Mise au Point de l’Anesthesia Patient Safety Foundation : Recommandations 2022 sur les pratiques de gestion des voies aériennes difficiles de l’American Society of Anesthesiologists

John E. Fiadjoe, MD, David Mercier, MD

Les Recommandations 2022 de l’ASA récemment publiées sur la gestion des voies aériennes difficiles constituent un changement radical par rapport aux recommandations antérieures. Ces changements visent à aider les cliniciens dans leur processus décisionnel. Au fur et à mesure de l’amélioration des équipements de gestion des voies aériennes, les inquiétudes liées au facteur humain, la performance des équipes et les erreurs cognitives demeurent des obstacles à une gestion sécurisée des voies aériennes. Le changement peut s’avérer difficile et, dans cet article, les auteurs mettent l’accent sur certaines modifications importantes apportées aux recommandations.

Robert Glazer, fondateur et président du conseil d’administration d’une agence de marketing internationale, partage tous les vendredis un blog intitulé « Friday Forward », que nous recommandons fortement (https://www.robertglazer.com/fridayfwd/). Il y décrit les quatre étapes du changement :

  1. Confusion et surprise – « Euh, pourquoi vous avez changé ça ? »
  2. Réaction aux différences – « Pourquoi c’est différent, je crois que ça ne me plaît pas ».
  3. Regretter le passé – « Oh, je préférais l’ancienne version, celle-ci craint ».
  4. Adaptation et acceptation – « Hum, c’est peut-être mieux en définitive, je crois que j’aime bien ».

Vous êtes probablement nombreux à avoir eu l’une de ces réactions aux nouvelles recommandations de l’ASA sur les pratiques de gestion des voies aériennes difficiles. Quelle que soit l’étape que vous avez atteinte, cet article mettra l’accent sur les modifications apportées aux recommandations et vous rapprochera en douceur de l’étape finale du changement.

Historique des recommandations

Les premières Recommandations de l’ASA sur les pratiques de gestion des voies aériennes difficiles ont été publiées en 1993. Depuis, la mission de réviser tous les cinq ans chaque directive publiée par les différents groupes de travail a été confiée au Comité sur les normes et contenu des pratiques (maintenant appelé le Comité sur les paramètres de pratique). Par ailleurs, chaque directive doit faire l’objet d’une révision complète au moins tous les dix ans. Cette version, publiée en janvier 2022, est la révision des Recommandations 2013 de l’ASA.1 Cet article résume les modifications fondamentales apportées aux recommandations antérieures et met en avant des mesures importantes pour améliorer la sécurité des patients dans le cadre de la gestion des voies aériennes.

Nouvelles perspectives internationales

Les recommandations ont été établies par un groupe de travail composé de 15 membres, notamment des anesthésistes et des méthodologistes représentant les États-Unis, l’Inde, l’Irlande, l’Italie, la Suisse et plusieurs organismes de sous-spécialités.

Conseils pour les patients pédiatriques et adultes

Traditionnellement, ces recommandations se sont concentrées sur la gestion des voies aériennes des adultes. Cependant, les anesthésistes gèrent de plus en plus d’enfants. Ces recommandations comprennent des preuves et des avis d’experts sur la gestion des voies aériennes difficiles en pédiatrie, ce qui constitue un changement radical rendant les recommandations plus complètes.

Nouvelle technologie, publications et témoignages d’experts

Cette mise au point résume les preuves issues de l’étude de milliers d’extraits, épurées à 560 références. En outre, cette édition a sondé des consultants experts, des membres de l’ASA et dix organismes participants sur des thèmes où les preuves scientifiques étaient peu nombreuses ou équivoques. Elle fait également le point sur les équipements et la technologie disponibles pour la gestion des voies aériennes standards et difficiles.

Accent sur l’administration d’oxygène et la confirmation du CO2

Cette version met l’accent sur l’administration d’oxygène pendant toute la durée de la gestion de voies aériennes difficiles et pendant l’extubation. Par ailleurs, elle met en avant l’importance d’utiliser la capnographie pour confirmer l’intubation endotrachéale, comme dans les versions précédentes.

Prise de conscience en situation des tentatives, du temps écoulé et de la saturation en oxygène

Ces recommandations actualisées soulignent l’importance de l’attention prêtée au temps écoulé pendant la gestion des voies aériennes. Trop souvent, une équipe peut souffrir de fixation sur une tâche, conduisant à des tentatives multiples d’une seule et même approche, plutôt que d’envisager des alternatives. D’autre part, la prise en compte de la saturation en oxygène peut permettre une intervention et une prise de décision précoces et limiter le nombre de tentatives. Cette plus grande conscience en situation peut aider les cliniciens à avancer de manière progressive dans leur gestion planifiée des voies aériennes et à reconnaître plus tôt la nécessité d’une voie aérienne chirurgicale. La meilleure méthode est une approche centrée sur l’équipe, en désignant un observateur qui n’est pas impliqué directement dans la gestion des voies aériennes, qui joue le rôle d’arbitre en cas de fixation sur une tâche.

Tableau Décisionnel Pré-induction pour la Gestion des Voies Aériennes du Patient Réveillé versus Endormi

Les recommandations précédentes ont été utiles pour la planification et l’identification des obstacles potentiels à l’élaboration d’une stratégie de gestion des voies aériennes difficiles. Elles comprenaient des questions qui aidaient à prendre des décisions concernant la gestion des voies aériennes des patients éveillés. Néanmoins, des erreurs de jugement (c.-à-d. une intubation d’un patient éveillé non réalisée alors qu’indiquée) ont entraîné une mauvaise sécurisation des voies aériennes, d’après plusieurs études.2,3 Afin de mieux soutenir le processus décisionnel, cette mise à jour comprend un arbre décisionnel permettant de déterminer quand la gestion des voies aériennes en situation vigile est indiquée (Figure 1, partie 1). Cet arbre décisionnel est une extension et une évolution du produit d’un travail publié en 2004 par un groupe de travail, et adapté pour l’algorithme 2022 de l’ASA.4 L’intubation d’un patient adulte éveillé doit être envisagée dans les cas suivants : (1) ventilation difficile (masque facial/dispositif supraglottique), (2) risque accru d’aspiration, (3) intolérance à une apnée brève, ou (4) difficulté prévue liée à l’accès invasif d’urgence aux voies aériennes.

D’autre part, les nouveaux schémas concernent directement les voies aériennes difficiles anticipées en incluant des points d’entrée après un échec d’intubation dans le cadre d’une induction de routine.

Figure 1, parties 1 et 2 : Infographie des voies aériennes difficiles pour les patients adultes.

Figure 1, parties 1 et 2 : Infographie des voies aériennes difficiles pour les patients adultes.

Figure 1, partie 3 : Infographie des voies aériennes difficiles pour les patients adultes.

Figure 1, partie 3 : Infographie des voies aériennes difficiles pour les patients adultes.

Infographie des voies aériennes difficiles : exemple de patient adulte. Cette figure fournit trois outils pour aider à la gestion des voies aériennes chez un patient dont il est prévu que l’accès aux voies aériennes sera difficile de façon anticipée ou imprévue. La partie 1 est un outil décisionnel qui intègre des éléments pertinents d’évaluation et est destinée à aider le choix au cours du déroulement de l’algorithme des voies aériennes difficiles de l’ASA, entre la gestion des voies aériennes du patient éveillé ou la gestion des voies aériennes après induction de l’anesthésie. La partie 2 est un algorithme pour l’intubation d’un patient éveillé. La partie 3 est une stratégie de gestion des patients par une induction de l’anesthésie en cas de difficulté de ventilation imprévue (identifiée par capnographie) avec une technique de voies aériennes planifiée. a. L’évaluation par le responsable des voies aériennes et le choix des techniques doivent être fondés sur son expérience passée, les ressources disponibles, y compris les équipements, la disponibilité et la compétence de l’aide et le contexte dans lequel la gestion des voies aériennes sera effectuée. b. Étudier la stratégie relative aux voies aériennes : Tenir compte du risque de difficulté anatomique/physiologique des voies aériennes, du risque d’aspiration, du risque d’infection, du risque d’autres expositions, du contrôle des équipements et du monitorage, de l’affectation des tâches, des plans de secours et de sauvetage. Les techniques sur un patient éveillé comprennent l’intubation sous fibroscope souple, la vidéolaryngoscopie, la laryngoscopie directe, le dispositif surpraglottique, l’association de dispositifs et la méthode d’intubation rétrograde sur guide. c. Il convient de confirmer, si possible par capnographie, que la ventilation est suffisante quelle que soit la méthode utilisée (par ex. masque facial, dispositif supr-glottique, intubation endotrachéale). d. Les soins et le suivi comprennent les soins post-extubation, (c.-à-d. stéroïdes, épinéphrine racémique), des conseils, de la documentation, un débriefing d’équipe et l’encouragement de la consignation dans le registre des voies aériennes difficiles des patients. e. Reporter l’interventionavec intubation et la reprogrammer avec les mesures adaptées (par ex. personnel, équipements, préparation du patient, intubation vigile). f. Les méthodes invasives sur les voies aériennes comprennent la cricothyrotomie chirurgicale, la cricothyrotomie percutanée avec régulateur de pression, la cricothyrotomie avec canule à large diamètre ou la trachéotomie chirurgicale. Les interventions invasives électives sur les voies aériennes comprennent les méthodes suscitées, l’intubation rétrograde sur guide et la trachéotomie percutanée. D’autres options sont la bronchoscopie rigide et l’ECMO. g. La technique invasive sur les voies aériennes est réalisée par une personne formée à ces techniques, dans la mesure du possible. h. Dans une situation instable ou lorsque la gestion des voies aériennes est obligatoire après un échec d’intubation du patient éveillé, il est possible de changer la gestion des voies aériennes en passant par la voie de l’induction de l’anesthésieen préparant une technique invasive d’urgence sur les voies aériennes. i. Canule nasale à faible ou grand débit, tête en position surélevée pendant toute la procédure. Ventilation non invasive pendant la préoxygénation. j.La limitation du nombre de tentatives d’intubation endotrachéale et d’insertion d’un dispositif surpraglottique vise à réduire le risque de saignements, d’œdème et d’autres types de traumatisme qui peuvent accroître la difficulté de la ventilation par masque et/ou des tentatives ultérieures pour sécuriser définitivement les voies aériennes. La persistance des manœuvres sur les voies aériennes, y compris une ventilation inefficace au masque, peuvent retarder l’obtention s’un accès aux voies aériennes par prise en charge invasive en urgence. Une approche raisonnable peut consister à limiter à trois les tentatives avec n’importe quelle catégorie de technique (c.-à-d. masque, dispositif supraglottique, sonde d’intubation), avec une tentative supplémentaire par un clinicien plus qualifié. k. Optimiser : aspiration, curarisation, changement de position. Masque facial : voies aériennes orales/nasales, maintien du masque à deux mains Dispositif supraglottique : taille, modèle, changement de position, première génération vs. deuxième génération. Sonde d’intubation : guide, stylet rigide, vidéo-laryngoscopie hyperangulée, taille de la lame, manipulation externe du larynx. Envisager d’autres causes de ventilation inadéquate (y compris mais sans exclusivité un laryngospasme ou un bronchospasme). l. Dispositif supraglottique de première génération vs. deuxième génération avec possibilité d’intubation à travers un dispositif supraglottique initial ou de sauvetage. m. Vidéolaryngoscopie en option pour une intubation endotrachéale d’emblée ou de sauvetage.

Nouveaux algorithmes et infographies pour la gestion des voies aériennes difficiles des adultes et des enfants

Un temps et des efforts considérables ont été consacrés à l’amélioration du flux des nouvelles infographies et à son exploitation en « temps réel ». Le nouvel algorithme comprend désormais une partie qui inclut des options liées à la décision de gérer les voies aériennes sur un patient éveillé (Figure 1, partie 2), ainsi qu’une partie plus facilement utilisable en « temps réel » (Figure 1, partie 3). La conception graphique se présente davantage comme une aide cognitive plutôt qu’un algorithme, mais nécessite étude et familiarisation avant son utilisation en temps réel.

Les deux infographies sont codées par couleur pour représenter la possibilité de ventiler. Le vert représente une ventilation facile, le jaune une ventilation difficile et le rouge une ventilation impossible. Il convient de réaliser un briefing avant le début du management des voies aériennes pour discuter du plan de soins.

L’équipe doit identifier le responsable principal des voies aériennes, le responsable de secours des voies aériennes, les équipements à utiliser et la personne disponible pour apporter son aide si c’est faisable. Les deux infographies mettent l’accent sur l’importance de l’évaluation de la ventilation après chaque tentative ou intervention ; les résultats de cette évaluation peuvent entraîner le clinicien vers un point différent de l’algorithme.

L’algorithme pédiatrique met en avant trois outils principaux pour la gestion d’un enfant avec des voies aériennes difficiles : le dispositif supraglottique (SGA), l’intubation sous fibroscope souple (FIS) et la vidéo-laryngoscopie (VL) (Figure 2). C En cas d’échec d’une technique, ces dispositifs peuvent être associés (par ex. FIS + SGA ou FIS + VL). L’utilisation de ces outils est surtout applicable en cas de ventilation facile. Toutefois, lorsque la ventilation est difficile, le clinicien doit concentrer ses efforts sur le rétablissement de la ventilation à l’aide d’un masque facial, d’un dispositif supraglottique et d’accessoires, ainsi que sur la réalisation d’une intubation endotrachéale avec la technique la plus susceptible de réussir. Les deux infographies mettent l’accent sur l’importance de limiter le nombre de tentatives. L’algorithme pédiatrique met en avant l’importance de distinguer obstruction fonctionnelle et anatomique, car leur prise en charge est différente. En cas d’obstruction fonctionnelle, des agents médicamenteux sont nécessaires ; en cas d’ obstruction anatomique, des dispositifs tels qu’une canule oropharyngée, une canule nasopharyngée et des dispositifs supraglottiques sont utilisés. Il convient d’envisager un débriefing d’équipe après la gestion des voies aériennes afin de codifier les leçons retenues, de permettre aux membres de l’équipe d’exprimer des émotions difficiles et d’identifier les lacunes à des fins d’amélioration.

Figure 2 : Infographie des voies aériennes difficiles : Patients pédiatriques

Figure 2 : Infographie des voies aériennes difficiles : Patients pédiatriques

Infographie des voies aériennes difficiles : Exemple de patient pédiatrique. A. Briefing pour permettre l’identification du plan de gestion des voies aériennes. Une approche d’équipe avec identification des éléments suivants est préférable : le responsable principal des voies aériennes et le responsable de secours et l’attribution des rôles, les équipements principaux et les équipements de secours et la (les) personne(s) disponible(s) pour apporter une aide. Contacter une équipe ECMO/un chirurgien oto-rhino-laryngologiste si la gestion non invasive des voies aériennes est susceptible d’échouer (par ex. obstruction congénitale des voies aériennes hautes, tumeur des voies aériennes, etc.). B. Charte chromatique. Les couleurs représentent la capacité d’oxygénation/ventilation : vert, oxygénation/ventilation facile ; jaune, oxygénation/ventilation difficile ou marginale ; rouge, oxygénation/ventilation impossible. Réévaluer l’oxygénation/la ventilation après chaque tentative et passer à la case appropriée en fonction des résultats du contrôle de l’oxygénation/de la ventilation. C. La voie non urgente (oxygénation/ventilation suffisante pour une intubation dont on sait ou on prévoit qu’elle sera difficile) : administrer de l’oxygène pendant toute la durée de la gestion des voies aériennes ; essayer la gestion des voies aériennes avec la technique/le dispositif que le responsable principal des voies aériennes connaît le mieux ; sélectionner parmi les dispositifs suivants : dispositif supraglottique, vidéo-laryngoscopie, fibroscope souple ou une association de ces dispositifs (par ex. intubation par fibroscope souple à travers le dispositif supraglottique) ; autres techniques (par ex. le clinicien peut opter pour des stylets lumineux ou des stylets rigides, selon ses préférences) ; optimiser et alterner les dispositifs le cas échéant ; réévaluer la ventilation après chaque tentative ; limiter les tentatives de laryngoscopie directe (par ex. une tentative) en envisageant une vidéo-laryngoscopie à lame standard plutôt qu’une laryngoscopie directe ; limiter le nombre total de tentatives (insertion du dispositif d’intubation jusqu’à son retrait) par le responsable principal des voies aériennes (par ex. trois tentatives) et une tentative supplémentaire par le responsable secondaire des voies aériennes ; après quatre tentatives, envisager de réveiller le patient et d’antagoniser les anesthésiques, si c’est possible. Les cliniciens pourront procéder à d’autres tentatives si les risques et les bénéfices pour le patient sont en faveur de ces essais supplémentaires. D. Voie marginale/urgente (oxygénation/ventilation insuffisante ou inexistante pour une intubation dont on sait ou on prévoit qu’elle sera difficile) : traiter l’obstruction fonctionnelle (par ex. réflexes des voies aériennes avec des médicaments) et anatomique (mécanique) ; tenter d’améliorer la ventilation avec un masque, une intubation endotrachéale et un dispositif supraglottique, selon le cas ; et en cas d’échec de toutes les options, envisager de réveiller le patient ou d’utiliser des techniques invasives avancées. E. Envisager un débriefing d’équipe après tous les cas de voies aériennes difficiles : identifier les processus qui ont donné des résultats positifs et les opportunités d’amélioration des systèmes et apporter un soutien émotionnel aux membres de l’équipe, en particulier en cas de morbidité ou de mortalité du patient.

Élaboré en collaboration avec la Society for Pediatric Anesthesia et le Pediatric Difficult Intubation Collaborative : John E. Fiadjoe, MD, Thomas Engelhardt, MD, PhD, FRCA, Nicola Disma, MD, Narasimhan Jagannathan, MD, MBA, Britta S. von Ungern-Sternberg, MD, PhD, DEAA, FANZCA et Pete G. Kovatsis, MD, FAAP.

Points importants pour la gestion pédiatrique

L’accent est mis sur la nécessité d’envisager rapidement une oxygénation extracorporelle par membrane (ECMO) dans la gestion des voies aériennes des patients pédiatriques. La gestion des voies aériennes après une induction par inhalation est courante, alors que l’intubation d’un patient éveillé n’est pas une pratique courante chez les enfants. Les recommandations mettent l’accent sur l’importance de maintenir une profondeur d’anesthésie adéquate avec une évaluation de la ventilation après chaque tentative d’intubation. Le nombre de tentatives doit être réduit au minimum. D’autres techniques de sauvetage sont à envisager dont la bronchoscopie rigide effectuée par un clinicien familier avec la méthode. Les cathéters pour échange endotrachéal doivent être utilisés avec précaution chez les enfants et uniquement par des cliniciens expérimentés. La marge d’erreur est faible et des complications potentiellement graves, tels qu’un pneumothorax et un pneumomédiastin, peuvent survenir si le cathéter perfore les voies aériennes.

Dispositifs et technologie

Des méta-analyses d’essais randomisés ont démontré que la laryngoscopie assistée par vidéo chez les patients pour lesquels il est prévu des voies aériennes difficiles améliore la vue du larynx et la réussite à la première tentative d’intubation par rapport à une laryngoscopie directe.5-15 Ces résultats étaient équivoques dans le cadre d’une comparaison entre la laryngoscopie assistée par vidéo et l’intubation sous fibroscope souple. Il est intéressant de noter que les études randomisées étaient également équivoques pour les mêmes effets dans le cadre d’une comparaison entre les vidéolaryngoscopes hyperangulés et les vidéolaryngoscopes non angulés chez des patients pour lesquels il était prévu des voies aériennes difficiles.13 L’association des techniques pourrait améliorer la réussite chez des patients pour lesquels la prise en charge des voies aériennes difficiles est prévue difficile. Par exemple, l’utilisation d’unfibroscope souple à travers un dispositif supraglottique présentait un taux de réussite au premier essai plus élevé qu’un fibroscope souple seul.16-19

Extubation et documentation

Les recommandations mettent en avant l’importance d’avoir une stratégie d’extubation et de se préparer à une réintubation le cas échéant. Il convient de réfléchir au personnel nécessaire, au lieu où sera pratiquée l’extubation et aux équipements disponibles. Après l’extubation de patients aux voies aériennes difficiles, les cliniciens devront envisager l’utilisation d’un cathéter échangeur endotrachéal ou d’un masque laryngé pour permettre une réintubation rapide. Les recommandations mettent en avant l’importance de la communication et de la documentation. Les techniques utilisées doivent être communiquée sau patient et documentées dans un courrier. Le patient doit être encouragé à inscrire sur un document ces difficultés en cas d’urgence. Une note détaillée doit être ajoutée au dossier médical.

Approbation du Comité des délégués (HOD) de l’ASA

Le HOD de l’ASA doit approuver tous les produits des travaux du Comité sur les normes et le contenu des pratiques de l’ASA. Une version préliminaire de travail des recommandations a été postée sur le site Internet de l’ASA à l’attention de tous. Tous les commentaires envoyés ont été étudiés en vue de leur inclusion. Il convient de préciser que l’un des commentaires les plus courants était qu’une partie des membres de l’ASA préférait l’ancien style noir et blanc de l’algorithme. Par conséquent, l’algorithme a été conservé en grande partie dans sa forme initiale, avec quelques modifications d’ordre mineur (Figures 3 et 4) après l’approbation du HOD de l’ASA, à l’occasion de l’assemblée générale de l’ASA en octobre 2021.

Figure 3 : Algorithme de l’ASA pour les voies aériennes difficiles : Patients adultes.

Figure 3 : Algorithme de l’ASA pour les voies aériennes difficiles : Patients adultes.

Figure 3. Algorithme pour les voies aériennes difficiles : patients adultes. 1. Le choix du responsable des voies aériennes en termes de stratégie et de techniques doit être fondé sur son expérience passée, les ressources disponibles, y compris les équipements, la disponibilité et la compétence de l’aide et le contexte dans lequel la gestion des voies aériennes sera effectuée. 2. Canule nasale à faible ou grand débit, tête en position surélevée pendant toute la procédure. Ventilation non invasive pendant la préoxygénation. 3. Techniques d’intubation du patient éveillé : fibroscope souple, vidéo-laryngoscopie, laryngoscopie directe, association de techniques et intubation rétrograde sur guide. 4. D’autres options sont notamment, sans exclusivité toutefois, une technique alternative sur patient éveillé, une technique invasive élective sur patient éveillé, d’autres techniques d’anesthésie, l’induction d’une anesthésie générale (en cas d’instabilité ou d’impossible de reporter) avec des préparatifs pour une intervention invasive d’urgence et reporter l’intervention sans tenter les options suscitées. 5. Les méthodes invasives sur les voies aériennes comprennent la cricothyrotomie chirurgicale, la cricothyrotomie percutanée avec régulateur de pression, la cricothyrotomie avec canule à large diamètre ou la trachéotomie chirurgicale. Les techniques invasives électives sur les voies aériennes comprennent les méthodes suscitées ainsi que l’intubation rétrograde sur guide et la trachéotomie percutanée. On peut aussi envisager la bronchoscopie rigide et l’ECMO. 6. Tenir compte de la taille, de la conception, du changement de position, des dispositifs supraglottiques de première génération vs. deuxième génération peut permettre d’améliorer la ventilation. 7. D’autres approches pour une intubation difficile sont notamment, sans exclusivité toutefois, la laryngoscopie assistée par vidéo, des lames de laryngoscope différentes, des associations de techniques, un dispositif d’intubation supraglottique (avec ou sans guidage fibroscopique), la fibroscopie souple, un mandrin et un stylet lumineux ou une guide lumineuse. Les accessoires qui peuvent être utilisés pendant les tentatives d’intubation sont notamment les guides des sondes d’intubation, les stylets rigides, les stylets d’intubation ou les échangeurs de tube et la manipulation externe du larynx. 8. Comprend le report de l’intervention ou de l’intubation et un retour avec les mesures adaptées (par ex. personnel, équipements, préparation du patient, intubation du patient éveillé). 9. Les autres options sont notamment, sans exclusivité toutefois, la réalisation de la procédure avec un masque ou la ventilation par dispositif supraglottique. La poursuite de la procédure par ces options implique que la ventilation ne sera pas problématique.

Figure 4 : Algorithme de l’ASA pour les voies aériennes difficiles : Patients pédiatriques.

Figure 4 : Algorithme de l’ASA pour les voies aériennes difficiles : Patients pédiatriques.

Figure 4. Algorithme pour les voies aériennes difficiles : Patients pédiatriques. 1. L’évaluation du responsable des voies aériennes et le choix des techniques doivent être fondés sur son expérience passée, les ressources disponibles, y compris les équipements, la disponibilité et la compétence de l’aide et le contexte dans lequel la gestion des voies aériennes sera effectuée. 2. Canule nasale à faible ou grand débit, tête en position surélevée pendant toute la procédure. Ventilation non invasive pendant la préoxygénation. 3. Techniques d’intubation du patient éveillé : fibroscope souple, vidéo-laryngoscopie, laryngoscopie directe, association de techniques et intubation rétrograde sur guide. 4. D’autres options sont notamment, sans exclusivité toutefois, une technique alternative sur patient éveillé, une technique invasive élective sur patient éveillé, d’autres techniques d’anesthésie, l’induction de l’anesthésie générale (en cas d’instabilité ou d’impossible de reporter) avec des préparatifs pour une intervention invasive d’urgence ou le report de l’intervention sans tenter les options suscitées. 5. Les méthodes invasives sur les voies aériennes comprennent la cricothyrotomie chirurgicale, la cricothyrotomie percutanée si elle est appropriée selon l’âge avec régulateur de pression, la cricothyrotomie avec canule à large diamètre ou la trachéotomie chirurgicale. Les techniques invasives électives sur les voies aériennes comprennent les méthodes suscitées ainsi que l’intubation rétrograde sur guide et la trachéotomie percutanée. On peut aussi envisager la bronchoscopie rigide et l’ECMO. 6. Comprend le report de l’intervention ou de l’intubation et un retour avec les mesures adaptées (par ex. personnel, équipements, préparation du patient, intubation du patient éveillé). 7. D’autres approches pour une intubation difficile sont notamment, sans exclusivité toutefois, la laryngoscopie assistée par vidéo, des lames de laryngoscope différentes, des associations de techniques, un dispositif d’intubation supraglottique (avec ou sans guidage par fibroscope souple), la bronchoscopie souple, un guide et un stylet lumineux. Les accessoires qui peuvent être utilisés pendant les tentatives d’intubation sont notamment les guides des sondes d’intubation, les stylets rigides, les stylets d’intubation ou les échangeurs de tube et la manipulation externe du larynx. 8. Les autres options sont notamment, sans exclusivité toutefois, la réalisation de la procédure avec un masque ou la ventilation par dispositif supraglottique. La poursuite de la procédure par ces options implique que la ventilation ne sera pas problématique.

Élaboré en collaboration avec la Society for Pediatric Anesthesia et le Pediatric Difficult Intubation Collaborative : John E. Fiadjoe, MD, Thomas Engelhardt, MD, PhD, FRCA, Nicola Disma, MD, Narasimhan Jagannathan, MD, MBA, Britta S. von Ungern-Sternberg, MD, P.D, DEAA, FANZCA et Pete G. Kovatsis, MD, FAAP.

Conclusions

Ces nouvelles recommandations sont les premières qui comprennent des preuves de la gestion des voies aériennes des patients adultes et des patients pédiatriques. Bien que drapées des mêmes atours (style, processus et format), elles sont radicalement différentes des versions précédentes. Elles mettent l’accent sur l’importance de l’évaluation du risque, elles fournissent un arbre décisionnel pour aider à déterminer le moment où il faut envisager la prise en charge des voies aériennes sur un patient éveillé, la prise en compte de la fixation sur une tâche et du du temps écoulé, la réduction du nombre de tentatives d’intubation endotrachéale et l’évaluation de la ventilation après chaque intervention. Enfin, elles mettent en avant la nécessité de confirmer l’intubation par capnographie, de planifier l’extubation, de documenter la gestion des voies aériennes dans le dossier médical et de fournir des informations au patient. Bienvenue à l’étape finale du changement.

 

John Fiadjoe, MD, est vice-président exécutif du Département d’anesthésiologie, médecine de réanimation et de la douleur, de l’ Hôpital des enfants de Boston, Boston, Massachusetts.

David Mercier, MD, est professeur associé au Département d’anesthésie-réanimation et gestion de la douleur de l’Université de Texas Southwestern, à Dallas, Texas.


John Fiadjoe, MD, a bénéficié d’une bourse de l’APSF par le passé. David Mercier, MD, ne signale aucun conflit d’intérêts.


Documents de référence

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