Le droit d’un patient de refuser un traitement médical

Brian Thomas, JD

Les informations suivantes sont un bref aperçu du droit des patients adultes compétents de refuser du sang et des produits sanguins en raison de leurs croyances religieuses. Le droit de refuser un traitement médical est un domaine très complexe du droit. Il convient de noter que cet aperçu ne constitue pas un avis juridique. Les déclarations relatives au droit et les avis juridiques doivent être étudiés soigneusement en tenant compte des décrets exécutifs les plus récents et de la jurisprudence. D’autre part, différentes normes peuvent s’appliquer en fonction de la juridiction dans laquelle vous pratiquez.

Introduction

Consentement éclairéLe droit de refuser un traitement médical est généralement fondé sur le droit coutumier de l’auto-détermination de la personne sur son propre corps, le principe éthique du respect de l’autonomie,1 et la doctrine du consentement éclairé.2 Par ailleurs, le droit de refuser un traitement est également dérivé d’un droit constitutionnel, fédéral et étatique, à la vie privée.3 La Cour suprême des États-Unis a également jugé qu’une personne compétente a un droit à la liberté dans le cadre des dispositions sur l’application régulière de la loi de refuser un traitement médical qu’elle ne souhaite pas.4 Le droit de refuser un traitement médical peut également être fondé sur la liberté de religion.5 Les patients compétents ont le droit de refuser un traitement médical, y compris des transfusions de sang et de produits sanguins, pour eux-mêmes.6 Par conséquent, il faudra demander à un patient adulte compétent qui ne veut pas recevoir du sang ou des produits sanguins de signer une décharge, qui explique les risques inhérents à son refus de traitement et dégage les médecins, l’hôpital, l’établissement et tous leurs employés et agents de toute responsabilité découlant du refus de traitement. Néanmoins, comme l’explique l’étude de cas suivante, même lorsque des patients adultes compétents ou leurs représentants légaux bénéficient de discussions complètes relatives au consentement éclairé, exposant les risques du refus de sang et de produits sanguins et que ces communications sont documentées dans le dossier médical, il n’est pas certain que cela suffise à éviter qu’une procédure juridique soit intentée contre les médecins en cas de lésions ou de décès du patient.

Étude de cas

Un patient âgé de 54 ans avec des antécédents de nausées, fatigue et plusieurs épisodes de syncope est arrivé en ambulance aux services des urgences de l’hôpital. Le patient était un Témoin de Jéhovah et il a informé ses médecins qu’il ne voulait pas recevoir de sang ni de produits sanguins. Son hémoglobine (Hgb) était de 9,5.

Après observation du patient pendant environ six heures, l’unité chargée des décisions cliniques a déterminé que le patient devait subir une œsophagogastroduodénoscopie (EGD). Pendant les préparatifs pour cette procédure, il a été constaté que le patient était en hypotension et avait un rythme cardiaque accéléré quand il tentait de se lever. En raison de cet épisode et de la baisse de son Hgb, une consultation avec l’unité de soins intensifs (USI) a été demandée.

Le personnel de l’USI a évalué le patient et noté qu’il était plus stable hémodynamiquement quand il était allongé. Une note versée au dossier par le médecin en charge de l’USI indiquait que le gastro-entérologue avait discuté de l’endoscopie avec l’anesthésiste, mais précisait que « l’anesthésiste avait déterminé que le patient est actuellement trop instable pour subir la procédure pour le moment ». Un interne de l’USI a documenté qu’il avait appelé l’anesthésiste et discuté du patient, mais que l’anesthésiste n’était pas disposé à faire passer l’endoscopie au patient. Le personnel de l’USI a alors administré au patient des fluides par voie intraveineuse dans le but de le stabiliser pour l’EGD, mais son état s’est aggravé au cours des heures qui ont suivi.

Une EGD émergente a finalement été réalisé en chambre le jour de son admission. L’EGD a révélé un caillot sanguin dans le fundus et un ulcère hémorragique dans l’intestin, que l’endoscopiste a coagulé.

Le lendemain, l’état du patient s’est détérioré et son état d’instabilité hémodynamique s’est aggravée ; son Hgb est tombée à 3,5 et il a été intubé et sédaté. Une laparotomie exploratoire a été réalisée et un ulcère suintant de 2 cm a été découvert dans la paroi médiale du duodénum. Le chirurgien a suturé et recousu l’ulcère. Un autre anesthésiste a administré l’anesthésie générale pour la deuxième procédure. Il a noté que le fondé de pouvoir du patient consentait à la chirurgie mais refusait à nouveau les produits sanguins. L’anesthésiste a noté dans l’évaluation préalable à l’anesthésie qu’il avait informé le fondé de pouvoir que sans transfusion sanguine, il était probable que le patient ne survive pas à la chirurgie. Le patient a été évalué sous le statut physique 5E de l’American Society of Anesthesiologists.

Le lendemain, 5 unités d’Hemopure®, une alternative à une transfusion sanguine, ont été administrées au patient, permettant à son Hgb de remonter à 4,5. Le patient a survécu à la procédure et est retourné à l’USI. Cependant, le patient a fait un arrêt cardiaque plus tard dans la matinée. Les efforts de réanimation ont été abandonnés après une discussion avec la mère du patient, puis il est décédé.

La mère du patient a intenté des poursuites à l’encontre du médecin des urgences, de l’interne de l’USI, du médecin de l’USI, du gastroentérologue, de l’anesthésiste et de l’hôpital. La plaignante faisait valoir que les défendeurs n’avaient pas respecté la norme de soin en ne traitant pas plus rapidement l’hémorragie interne du patient.

La plaignante faisait valoir que les défendeurs auraient dû réaliser l’EGD et la laparotomie plus tôt. La plaignante a engagé trois experts pour appuyer sa théorie : un expert en médecine interne, un expert en gastroentérologie et un expert en anesthésiologie. Les trois experts étaient d’avis que les défendeurs n’avaient pas respecté la norme de soin en ne traitant pas le patient avant que sa numération ne tombe aussi bas.

Les défendeurs ont demandé une décision de jugement sommaire en vertu de la loi étatique.* Les défendeurs ont fait valoir que, même si les défendeurs étaient négligents, la doctrine des conséquences évitables empêchait la plaignante de se voir attribuer des dommages-intérêts. Les défendeurs ont noté que, conformément à la doctrine des conséquences évitables, une partie ne pouvait pas être indemnisée pour des pertes qu’elle aurait pu éviter par des efforts ou des dépenses raisonnables. Les défendeurs ont fait valoir que le patient aurait pu éviter la mort s’il avait accepté une transfusion sanguine, un traitement peu invasif avec peu de risque.

Le tribunal chargé du procès a validé la demande de jugement sommaire des défendeurs. Le tribunal a jugé qu’en rejetant une transfusion sanguine, le patient n’avait pas tiré parti d’un moyen objectivement raisonnable d’éviter les conséquences de la conduite supposée négligente des défendeurs. Le tribunal a jugé que la transfusion sanguine était une procédure peu invasive et que les trois témoins experts de la plaignante s’accordaient à dire qu’elle aurait probablement sauvé la vie du patient. La plaignante a fait appel de la décision du tribunal auprès de la cour d’appel de l’État. La cour d’appel a confirmé la décision rendue par le tribunal de première instance et a déclaré un non-lieu.

Le droit de refuser un traitement médical est un domaine généralement très complexe du droit. En raison du conflit entre les précédents juridiques, la validité du refus de traitement dépend de la situation du patient. Par exemple, si le patient est mineur, les tribunaux ont généralement jugé que les transfusions sanguines devaient être administrées dans des cas de vie ou de mort sans tenir compte de l’objection des parents qui fondaient leur décision sur des croyances religieuses. Les lois des États varient et sont moins claires pour un mineur dans une situation moins potentiellement mortelle. Si le mineur est un adolescent, le refus conjoint du patient et des parents serait probablement valable.

Tableau 1 : Décrit les stratégies de gestion des risques pour les médecins qui soignent les patients refusant un traitement médical.

Tableau 1 : Décrit les stratégies de gestion des risques pour les médecins qui soignent les patients refusant un traitement médical

Pour ces raisons, les anesthésistes et les autres médecins doivent demander l’avis et l’aide d’un conseil juridique quand ils s’occupent d’un patient qui refuse un traitement médical (Tableau 1). D’autre part, les hôpitaux et les établissements doivent développer une réponse en amont d’une urgence médicale en raison de ces complexités. Si des procédures ne sont pas déjà en place, il peut s’avérer impossible de réunir les ressources nécessaires dans le délai lié à une urgence médicale.

*Les motifs d’une décision de jugement sommaire varient en fonction des lois fédérales et des droits étatiques. Les motifs de la validation de la demande de jugement sommaire dans ce cas étaient les suivants : « la partie opposée n’a pas apporté de preuve permettant d’accorder un préjudice » et « il n’existe pas de différend sur les faits et l’auteur de la motion a droit à un jugement d’un point de vue de la loi ».

 

Brian J. Thomas, JD, est vice-président de la Gestion des risques de Preferred Physicians Medical (PPM), une société de responsabilité professionnelle médicale pour les anesthésistes, à Overland Park, Kansas.


L’auteur ne signale aucun conflit d’intérêts.


Documents de référence

  1. Jonsen AR, Siegler M, Winslade WJ. Clinical ethics: a practical approach to ethical decisions in clinical medicine. 8th ed. New York, NY: McGraw Hill; 2022.
  2. See, e.g., In re Storar, 52 N.Y.2d 363, 438 N.Y.S. 2d 266, 420 N.E. 64. https://casetext.com/case/matter-of-storar-2. Accessed April 18, 2022.
  3. See, e.g., Superindendent of Belchertown State School v. Saikewics, 372 Mass. 728, 370 N.E.2d 417. https://casetext.com/case/superintendent-of-belchertown-state-sch-v-saikewicz?sort=relevance&type=case&resultsNav=false&tab=keyword. Accessed April 18, 2022.
  4. Cf., e.g., Jacobson v. Massachusetts, 197 U.S. 11, 24–30, 25 S.Ct. 358, 360-363 L.Ed. 643. https://casetext.com/case/henning-jacobson-v-commonwealth-of-massachusetts?sort=relevance&type=case&resultsNav=false&tab=keyword. Accessed April 18, 2022.
  5. U.S. Const. amend. I. https://constitution.congress.gov/constitution/amendment-1/. Accessed April 18, 2022.
  6. See Cruzan v. Director Missouri Department of Health, 110 S.Ct. 2891 (1990). https://casetext.com/case/cruzan-v-director-mdh?sort=relevance&type=case&resultsNav=false&tab=keyword. Accessed April 18, 2022.
  7. When Patients Refuse Treatment: Medical Ethics Issues for Physicians. NORCAL Group ProAssurance Knowledge Library. July 5, 2017. https://www.norcal-group.com/library/when-patients-refuse-treatment-medical-ethics-issues-for-physicians. Accessed April 19, 2022.