L’administration du sévoflurane à faible débit reste une pratique controversée en raison des limites de cette pratique décrite dans l’étiquetage imposé par la Food and Drug Administration (FDA). En particulier, l’étiquetage aux États-Unis exige au moins 1 L/min pour au plus 2 concentration alvéolaire minimale (CAM)-heures et au moins 2 L/min pendant les expositions plus longues.1 Bien qu’il existe de nombreuses preuves concrètes que le composé A n’est pas toxique pour les humains et que de nombreux absorbeurs de dioxyde de carbone ne produisent pas de composé A, le langage utilisé dans l’étiquetage continue à influencer la pratique.2 Les exigences d’étiquetage créent la confusion sur la question de savoir s’il est possible ou pas de prescrire ou d’administrer en toute sécurité un médicament hors autorisation de mise sur le marché (ex. à une fin qui n’est pas autorisée par la FDA) et si dans ce cas, la norme de soin est respectée.* Cet article étudiera la question de savoir si l’administration du sévoflurane hors autorisation de mise sur le marché à faible débit augmente la responsabilité potentielle des anesthésistes en cas de suites défavorables.
* La « norme médicale de soin » est un terme juridique qui est généralement défini comme le niveau et le type de soin qu’un anesthésiste raisonnablement compétent et qualifié, avec une formation semblable et appartenant à la même communauté médicale (spécialité), aurait fourni dans des circonstances identiques ou semblables.
Autorisation de la FDA et utilisation hors autorisation de mise sur le marché
La FDA « joue un rôle dans quasiment chaque étape de l’approbation, du marketing, de l’étiquetage, de la publicité et de la promotion des médicaments avec et sans ordonnances ».3 Pour approuver un médicament, la FDA doit obtenir suffisamment d’informations fondées sur des essais cliniques pour déterminer : 1) si le médicament est sans danger et efficace pour l’utilisation (les utilisations) envisagée(s) et si les avantages du médicament l’emportent sur ses risques ; 2) si l’étiquetage proposé est approprié ou ce qu’il faudrait modifier ; et 3) si les méthodes utilisées dans la fabrication du médicament et les contrôles utilisés pour maintenir sa qualité sont adéquates.4
Une fois qu’un médicament est approuvé à des fins spécifiques, le médicament peut être utilisé pour n’importe quel traitement, même si la FDA n’approuve pas le traitement en question. L’utilisation du médicament à une fin qui n’est pas indiquée sur son étiquette approuvée par la FDA s’appelle une utilisation « hors autorisation de mise sur le marché ».5 Celle-ci est autorisée par la loi dans le contexte d’un traitement thérapeutique, mais elle est interdite dans le cadre de la recherche. La distinction entre l’utilisation hors autorisation de mise sur le marché et la recherche est importante car la FDA réglemente étroitement le développement et la recherche clinique relatifs à de nouveaux médicaments. La FDA, toutefois, ne réglemente pas la pratique de la médecine et les anesthésistes sont autorisés à prescrire des médicaments, approuvés, dans le cadre d’une utilisation hors autorisation de mise sur le marché si ces prescriptions ne constituent pas de « la recherche clinique».6
Responsabilité potentielle en cas de faute professionnelle
La cause la plus probable de poursuites contre un anesthésiste qui prescrit ou administre un médicament hors autorisation de mise sur le marché, supposément incorrecte, est l’absence de consentement éclairé.†
† Si un consentement éclairé n’est pas obtenu, un anesthésiste peut s’exposer à des poursuites pour responsabilité civile. La réalisation d’une procédure invasive sans le consentement du patient constitue un délit de coups et blessures infligés délibérément, pouvant entraîner des dommages-intérêts. Si un(e) anesthésiste n’informe pas un patient des risques liés à une procédure et aux traitements alternatifs, il ou elle pourrait être responsable de négligence si le patient subit des lésions causées par le traitement.
Consentement éclairé
Aux États-Unis, la doctrine du consentement éclairé nécessite généralement qu’un anesthésiste fournisse au patient ou à son représentant légal des informations concrètes concernant le traitement proposé, les alternatives au traitement (y compris l’absence de traitement), les risques et avantages potentiels du traitement proposé et des alternatives. Avec ces informations, le patient ou son représentant légal doit pouvoir déterminer s’il consent au traitement proposé ou à un traitement alternatif. La plupart des États appliquent la norme de « l’anesthésiste raisonnable » pour déterminer si une discussion appropriée permettant un consentement éclairé a eu lieu. Cette norme nécessite que le jury ou le juge détermine si un anesthésiste raisonnable aurait fourni les informations concrètes nécessaires pour permettre au patient de prendre une décision éclairée.
En ce qui concerne l’application de la doctrine du consentement éclairé à la prescription ou à l’administration des médicaments hors autorisation de mise sur le marché, de nombreux tribunaux étatiques ont rendu le jugement que les anesthésistes et autres médecins n’ont pas à divulguer aux patients qu’une utilisation proposée est hors autorisation de mise sur le marché. Par exemple, dans un arrêt de principe relatif à un appel, le tribunal a retenu que :
« La décision d’utiliser ou pas un médicament hors autorisation de mise sur le marché est une question de jugement médical et pas d’autorisation réglementaire. Par analogie, l’utilisation hors autorisation de mise sur le marché d’un dispositif médical est aussi une question de jugement médical et par conséquent, soumet un [anesthésiste] à une responsabilité professionnelle d’exercice de son jugement médical professionnel. L’utilisation hors autorisation de mise sur le marché d’un dispositif médical n’est pas un risque important lié à un traitement proposé par un [anesthésiste] qui aurait expliqué le traitement au patient. »7
Les lois sur le consentement éclairé de la plupart des États limitent l’obligation d’un anesthésiste à la fourniture d’informations médicales. Dans ces États, les tribunaux ont retenu que d’un point de vue de la loi, il n’existe aucune disposition obligeant un anesthésiste à discuter du statut réglementaire FDA des médicaments ou des produits utilisés dans le cadre d’un traitement spécifique, et le statut légal d’un médicament ou d’un produit (ex. approuvé par la FDA ou hors autorisation de mise sur le marché) n’affecte pas la nature du traitement.8
Cependant, une minorité d’États appliquent une norme d’évaluation « d’un patient ou d’une personne raisonnable » pour un consentement éclairé. Autrement dit, un patient ou une personne raisonnable aurait-il (elle) considéré que la proposition d’administrer un médicament ou d’utiliser un dispositif médical hors autorisation de mise sur le marché était une information importante à des fins de consentement au traitement ? Même dans ces États, le plaignant devrait quand même prouver que si le patient avait su que le médicament était prescrit ou administré hors autorisation de mise sur le marché, il aurait refusé le traitement.9
Les avocats des plaignants continuent à saisir les tribunaux pour des affaires relatives à l’absence de consentement éclairé, en s’appuyant sur le fait qu’un anesthésiste n’a pas informé son client (sa cliente) que le médicament était administré hors autorisation de mise sur le marché. Un juré profane pourrait accorder beaucoup d’importance au fait que la FDA n’a pas approuvé l’utilisation pour laquelle l’anesthésiste a prescrit ou administré le médicament, même si cette utilisation est largement acceptée.10 Par ailleurs, les avocats du plaignant auront peu de difficulté à identifier des experts en anesthésiologie qui témoigneront que l’administration du sévoflurane hors autorisation de mise sur le marché pour une anesthésie à faible débit est une pratique inférieure de la norme de soin. Ils se baseront pour cela, au moins en partie, sur l’étiquette d’avertissement du fabricant et de la FDA qui recommande de ne pas utiliser des débits de gaz frais inférieurs à 1 L/min. Néanmoins, si le soin apporté par l’anesthésiste était approprié, la plupart de ces affaires sont défendables et elles n’aboutissent pas à un règlement ou elles sont déboutées.
Conclusion
Les anesthésistes prescrivent et administrent depuis des dizaines d’années une multitude de médicaments hors autorisation de mise sur le marché. Une étude de 4594 dossiers clôturés de requêtes à l’encontre d’anesthésistes du Preferred Physicians Medical, de 1987 au 10 mars 2022 n’a pas identifié de requêtes comportant des allégations de lésions ou de décès des patients liés à une anesthésie au sévoflurane à faible débit. La FDA ne réglemente pas la pratique de la médecine et les anesthésistes sont autorisés à prescrire et à administrer des médicaments dans le cadre d’utilisations hors autorisation de mise sur le marché si ces médicaments ne constituent pas de « la recherche ». Comme tous les jugements médicaux, une décision d’administrer un médicament hors autorisation de mise sur le marché devient une décision bénéfice-risque. Bien que l’utilisation d’un médicament hors autorisation de mise sur le marché augmente potentiellement le risque de responsabilité, ce risque peut être réduit par un processus approprié de consentement éclairé et le respect de la norme de soin. En résumé, les procès relatifs à des allégations de négligence liée à une administration hors autorisation de mise sur le marché de médicaments sont peu courants et dans la plupart des cas, ils sont défendables en faveur des anesthésistes.
Brian J. Thomas, JD, est vice-président de la Gestion des risques de Preferred Physicians Medical (PPM), une société de responsabilité professionnelle médicale pour les anesthésistes, à Overland Park, Kansas. M. Thomas est également membre du Conseil d’administration de l’APSF et du comité rédactionnel de l’APSF.
L’auteur ne signale aucun conflit d’intérêts.
Documents de référence
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