Un homme de 57 ans a été opéré d’une hernie abdominale assistée par robot sous anesthésie générale endotrachéale. C’était le premier cas de la journée et la machine Avance CS2 (GE Healthcare, Chicago, Illinois) a passé avec succès le contrôle automatique. Aucun dysfonctionnement de l’appareil d’anesthésie n’avait été signalé avant cet évènement et l’induction du patient s’est passé sans aucun problème particulier. Environ une heure après le début de l’intervention, nous avons remarqué que la concentration de dioxyde de carbone dans l’air inspiré avait augmenté et était comprise entre 4 et 6 mmHg. Bien que qu’elle ne soit pas encore entièrement épuisée, la cartouche d’absorbant a été inspectée et remplacée. À ce moment-là, le réservoir du condensateur semblait vide, comme l’indique la Figure 1A. Le remplacement de l’absorbant n’a eu aucun effet sur les niveaux de dioxyde de carbone relevés et nous avons décidé de changer le filtre à eau du module D-fend des voies aériennes connecté au circuit de prélèvement des gaz, puis le module respiratoire GE CARESCAPE (GE Healthcare, Chicago, Illinois) sans aucun changement de la concentration de CO2 inspiré. Nous avons alors également remarqué que la concentration de fin d’expiration d’anesthésique volatile ne correspondait pas à la concentration administrée. Le vaporisateur de sevoflurane était réglé à 4 %, pourtant la concentration d’air inspiré était considérablement plus faible que prévue, à 1,6 %. Une anesthésie intraveineuse a été mise en place afin de maintenir la concentration alvéolaire minimum tout en continuant à rechercher le problème. Une autre inspection a permis de révéler que le pourcentage d’oxygène inspiré était mesuré à 21 % alors que l’appareil d’anesthésie était réglé à une administration à 50 %. En outre, la saturation en oxygène du patient est restée dans les plages normales pendant toute la durée de l’intervention. Jusqu’à ce moment-là, le débit de gaz frais était réglé à 2 litres/minute avec 50 % d’oxygène et nous avons augmenté le débit à 4 litres/minute à 50 % d’oxygène sans aucun changement dans les concentrations mesurées d’oxygène, de CO2 et d’agent administré. Nous avons alors contacté notre équipe biomédicale, avec la suspicion d’une défaillance des clapets anti-retour du circuit. Cette hypothèse a également été éliminée et le bon fonctionnement des clapets et du capteur de débit a été confirmé. Après avoir consulté une autre collègue, nous avons décidé d’inspecter le réservoir du condensateur de plus près pour vérifier l’accumulation d’eau. L’appareil d’anesthésie a été secoué, révélant que la ligne d’eau dans le réservoir du condensateur avait dépassé le plastique transparent et que ce qui semblait à première vue être un réservoir vide était en réalité entièrement rempli d’eau, comme le montre le niveau air-liquide de la Figure 1B. Le réservoir du condensateur a été vidé et les mesures sont progressivement redevenues normales. Cette constatation nous a conduit à conclure que l’excès d’humidité dans le circuit avait causé le dysfonctionnement du capteur du module des voies aériennes. Pour information, le réservoir du condensateur s’est à nouveau rempli entièrement avant la fin de l’intervention et il a été vidé une deuxième fois. Nous supposons que l’indication différée de mesures exactes et la vitesse à laquelle le réservoir s’est rempli une deuxième fois étaient dues à une accumulation conséquente d’humidité dans le circuit après le dépassement de la capacité du réservoir.
DISCUSSION :
2.
En premier lieu, nous souhaitons reconnaître que le mode d’emploi publié par GE Healthcare préconise dans le chapitre dédié à la maintenance que les opérateurs procèdent à une inspection visuelle quotidienne du réservoir du condensateur et le vide si nécessaire. Le réservoir du condensateur est situé à côté de la cartouche d’absorbant de CO2 et collecte l’eau du circuit respiratoire. Pour le vidanger, il faut appuyer sur le bouton de vidange vert sur le côté du condensateur et l’eau s’écoule par l’ouverture en dessous.1 Il est essentiel de procéder à la maintenance préconisée pour veiller au bon fonctionnement de l’appareil d’anesthésie et cet incident renforce cette nécessité. Toutefois, l’évènement suscité soulève plusieurs inquiétudes à propos de l’emplacement et de la conception du réservoir du condensateur. Le réservoir de l’Avance CS2 se trouve derrière la cartouche d’absorbant et seulement à quelques centimètres au-dessus de la base de la machine, côté latéral gauche, comme l’indique la Figure 2. Souvent au bloc opératoire, l’accès direct au côté gauche de l’appareil d’anesthésie est bloqué par divers équipements et se trouve généralement très près du champ chirurgical stérile. Même en s’approchant par le devant de l’appareil, la position basse et postérieure du réservoir du condensateur rend l’inspection et la vidange peu commodes et facilement oubliées.
Une autre inquiétude concernant le réservoir du condensateur est liée à la conception du réservoir proprement dit. Avec une maintenance appropriée, le niveau d’eau ne devrait pas dépasser la hauteur du plastique transparent qui constitue le réservoir. Néanmoins, comme nous l’avons démontré, si le niveau d’eau dépasse le niveau du plastique transparent, le réservoir du condensateur peut sembler vide. Nous suggérons d’envisager la modification du réservoir afin de permettre de déterminer facilement si le réservoir contient de l’eau. Il pourrait s’agir de l’utilisateur d’un flotteur, d’un plastique translucide sur les parois du condensateur ou d’un capteur électronique qui informe l’utilisateur en cas d’excès d’eau dans le réservoir.
Enfin, le signalement de cet incident vise à informer le lecteur et sensibilise les autres utilisateurs de l’Avance CS2, afin que les problèmes liés au réservoir du condensateur puissent être éliminés rapidement dans le cadre du diagnostic des anormalités des capteurs. Nous avons contacté les représentants locaux de la société et nous apprécions leur réponse ainsi qu’une explication de la raison pour laquelle l’humidité a un impact sur l’intégrité des capteurs.
Steven Simon est étudiant en médecine à l’école de médecine de l’Université Robert Wood Johnson, New Brunswick, New Jersey.
Bryan Gaeta est infirmier-anesthésiste à l’école de médecine de l’Université Robert Wood Johnson, New Brunswick, New Jersey.
Enrique Pantin, MD, est professeur d’anesthésiologie à l’école de médecine de l’Université Robert Wood Johnson, New Brunswick, New Jersey.
Antonio Chiricolo, MD, est professeur associé d’anesthésiologie à l’école de médecine de l’Université Robert Wood Johnson, New Brunswick, New Jersey.
Les auteurs ne signalent aucun conflit d’intérêts.
DOCUMENTS DE RÉFÉRENCE
- GE Healthcare Avance CS2 User’s Reference Manual. Datex-Ohmeda, Inc. 2013.
- Siempos II, Vardakas KZ, Kopterides P, Falagas ME. Impact of passive humidification on clinical outcomes of mechanically ventilated patients: a meta-analysis of randomized controlled trials. Crit Care Med. 2007;35:2843–2851. PMID: 18074484
- Bhavani-Shankar K, Moseley H, Kumar AY, Delph Y. Capnometry and anaesthesia. Can J Anaesth. 1992;39:617–632. PMID: 1643689
- Fullick J, Oliver M. “Water, water, everywhere”: a challenge to ventilators in the COVID-19 pandemic. Br J Anaesth. 2020;125:e188–e190. PMID: 32389392
Réponse de GE HealthCare :
Les illusions visuelles entraînent le dysfonctionnement des capteurs d’un appareil d’anesthésie
15 mars 2023
Chère Réponse rapide,
GE HealthCare souhaite remercier l’équipe de l’Université Rutgers/l’école de médecine Robert Wood Johnson d’avoir partagé leur expérience au titre de l’accumulation d’eau et du prélèvement de gaz dans l’Avance CS2 dans la rubrique Réponse rapide. En réponse à ce signalement, GE HealthCare a réalisé de nombreux essais pour reproduire l’expérience décrite. Malheureusement, il a été impossible de retrouver les mêmes observations. Néanmoins, ce signalement a permis de revoir les caractéristiques de conception de l’Avance CS2 dans le but d’atténuer l’impact de l’humidité sur le circuit respiratoire de l’appareil d’anesthésie, ainsi que les procédures préconisées pour la gestion du problème d’accumulation d’eau.
La gestion de l’accumulation d’humidité et d’eau dans le circuit respiratoire est nécessaire pour tous les appareils d’anesthésie. Il existe des recommandations en termes de stratégies pour réduire au minimum l’eau dans le système respiratoire, ainsi que des procédures à suivre pour éliminer l’impact de l’eau sur les performances des capteurs de débit et de concentration de gaz. À ce titre, l’appareil d’anesthésie Avance CS2 comprend un condensateur intégré dans le circuit du flux inspiratoire pour contrôler l’accumulation d’eau. Voir la Figure 3.
Le respect des consignes préconisées en matière d’entretien et de maintenance devrait permettre de minimiser l’accumulation d’eau dans le condensateur, comme cela a été observé au Centre médical Robert Wood Johnson. Pendant l’utilisation de l’appareil et lorsque le condensateur n’est pas plein, la condensation est visible sur les parois du réservoir du condensateur, donnant une bonne indication du niveau d’eau. Voir la Figure 4. En l’absence de condensation pendant l’utilisation de l’appareil, il faut ouvrir la purge du réservoir pour vider l’eau accumulée. Bien que l’emplacement de la purge du condensateur soit difficilement visible en position debout, il est facile d’y accéder depuis l’avant de l’appareil et de procéder quotidiennement à un contrôle visuel du niveau d’eau et à la vidange du condensateur. La purge est également située à proximité de l’absorbant de CO2, qu’il est aussi recommandé de vérifier visuellement avant d’anesthésier un patient.
Nous avons étudié les méthodes de détection supplémentaires suggérées dans le rapport de Simon et al. pour améliorer l’identification d’un réservoir plein, mais ces méthodes pourraient réduire la fiabilité globale et la simplicité de la conception. Si le réservoir est plein, le flux d’air inspiré provenant du ventilateur sera simplement poussé dans la colonne d’eau ou contournera complètement le réservoir grâce aux circuits d’écoulement en dérivation intégrés dans le logement supérieur du condensateur. Cette caractéristique permet la continuité de la ventilation quel que soit le niveau d’eau dans le réservoir. La paroi du condensateur est en aluminium, servant à la fois d’élément structurel et d’écran thermique pour éviter que la chaleur de l’absorbant de CO2 ne réchauffe les tubes du condensateur.
Les pratiques utiles pour réduire au minimum l’impact de l’eau sur le prélèvement des gaz sont notamment :
- Filtre échangeur de chaleur et d’humidité (ECH) entre le patient et le circuit respiratoire pour éviter que la vapeur d’eau expirée par le patient n’entre dans l’appareil respiratoire. Même s’il est considéré comme facultatif, comme indiqué dans la figure, il est utile pour contrôler l’intrusion d’eau dans le circuit.
- Vérifier que les accessoires sont de taille correcte pour un ajustement parfait en fonction du type de patient et l’application.
- Vérifier que l’installation permettant la mesure des gaz des voies aériennes est correcte. Voir la Figure 5.
- En cas d’utilisation de capteur de débit D-lite/D-lite+, placer tous les ports D-lite vers le haut avec une inclinaison comprise entre 20° et 45° pour éviter la pénétration de l’eau condensée à l’intérieur du capteur et dans le circuit
- Utiliser un capteur de débit D-lite+ pour les conditions de forte humidité
- En cas d’utilisation d’un masque et du prélèvement des gaz du patient, s’assurer que la configuration permet l’évacuation de l’eau du port de prélèvement des gaz. Voir la Figure 6.
- Quotidiennement, procéder à une vérification visuelle et purger le réservoir (voir la Figure 3)
Pour revenir au signalement d’origine, bien qu’il semble que la vidange du réservoir du condensateur ait corrigé les mesures de concentration des gaz, nous n’avons pas été en mesure de simuler ni d’expliquer comment l’accumulation d’eau pouvait causer une hausse de la concentration de FiCO2, la baisse de FiAA et de FiO2 par rapport aux valeurs de réglage. En règle générale, une mesure des concentrations de gaz et d’anesthésique inférieure aux valeurs de réglage est la conséquence d’un débit de gaz frais faible ou de fuites dans le circuit de prélèvement des gaz. Lorsque les débits de gaz frais sont suffisamment faibles pour causer une réinhalation significative, l’absorption d’anesthésique et d’oxygène par le patient entraîne une mesure basse de la concentration d’agent expiré et d’O2 par rapport aux valeurs de réglage. Les fuites dans le circuit de prélèvement des gaz causent la dilution des gaz prélevés, ce qui est possible dans ce cas puisque les valeurs relevées de 21 % de FiO2 sont identiques à l’air ambiant. En général, l’augmentation de la FiCO2 est causée soit par une hausse de l’espace mort de l’appareil, soit par une efficacité décroissante de l’absorbant de CO2.
En dépit de nombreux essais, GE Healthcare ne peut pas fournir d’explication vérifiée des observations signalées. Le respect des procédures préconisées pour la gestion de l’humidité et de l’eau accumulée dans le circuit respiratoire devrait réduire au minimum les problèmes connexes. Les recommandations résumées dans le présent rapport devraient constituer un guide utile et les utilisateurs peuvent toujours consulter le mode d’emploi ou contacter directement GE Healthcare pour toute question : www.gehealthcare.com/about/contact-us
Cordialement,
Tim McCormick
Ingénieur en chef – Soins anesthésiques et respiratoires, GE HealthCare
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