Mise au point sur les données périopératoires relatives au COVID-19 coronavirus-2 et syndrome respiratoire aigu sévère (SARS-CoV-2)

Liana Zucco, MD, Nadav Levy, MD, Desire Ketchandji, MD, Michael Aziz, MD, Satya Krishna Ramachandran, MD
Clause de non-responsabilité : Les lecteurs des présents articles devront étudier les informations qu’ils contiennent en prenant conseil auprès d’experts médicaux et juridiques, puis décider personnellement de la pertinence dans leur contexte spécifique et de leur conformité aux lois et règlements nationaux et fédéraux. L’APSF a mis en œuvre tous les efforts possibles pour veiller à l’exactitude des informations fournies. Cependant, ces informations sont fournies uniquement à des fins d’information et ne doivent pas être interprétées comme un avis médical ou légal. Ces articles ne doivent pas être interprétés comme représentant le soutien ou la politique de l’APSF (sauf indication contraire), des recommandations cliniques, comme remplaçant l’avis d’un médecin et la consultation d’un conseilleur juridique indépendant.

Introduction

Coronavirus COVID-19La pandémie de COVID-19 liée au coronavirus-2 responsable du syndrome respiratoire de détresse aigu sévère (SARS-CoV-2) continue à avoir un impact considérable sur la vie à travers le monde. Elle a fait subir des pressions énormes aux systèmes de santé et aux économies, avec notamment des conséquences psychologiques et sociales majeures. L’épidémie de SARS-CoV-2, qui a débuté à Wuhan, en Chine, a ensuite rapidement progressé pour devenir pandémique. Elle s’est propagée à plus de 150 pays, infectant plus de 3,1 millions de personnes, (chiffre du 29 avril 2020) avec plus d’un million de cas aux États-Unis.1,2

Les estimations actuelles suggèrent un taux de mortalité compris entre 2 et 20 % des patients hospitalisés et jusqu’à 88 % des patients nécessitant une ventilation mécanique.3–5 Le SARS-CoV-2 a un taux de reproduction de base (R0) de 2,2–2,7,6, autrement dit une seule personne infectée peut potentiellement transmettre l’infection à plus de deux personnes. Cela peut entraîner une propagation exponentielle rapide, que nous avons constatée dans les communautés à travers les États-Unis7

Étant donnée la capacité de la transmission interhumaine8–10, le SARS-CoV-2 continue à présenter un risque élevé pour tous les professionnels de santé dans le domaine périopératoire. Nous demandons solennellement aux directions des hôpitaux et aux responsables des unités de soins périopératoires de mettre en place des mesures stratégiques pour les interventions sur des patients atteints ou suspectés d’être atteints de COVID-19. L’objet de ce communiqué est de présenter des mesures de précaution dans le domaine périopératoire, reconnaissant que de telles mesures reposent sur les enseignements tirés de l’épidémie actuelle, ainsi que sur de précédentes épidémies virales.11 En particulier, nous nous intéressons aux mesures qui ont réussi ou non à limiter la transmission de pathogènes viraux (SARS-CoV-2, SARS-CoV et le coronavirus responsable du syndrome respiratoire du Moyen-Orient [MERS-CoV]) dans les domaines de la santé. Alors que les interventions non pharmacologiques restent le pilier de la lutte contre la propagation de la maladie, des expériences internationales mettent en avant le rôle important des mesures rapides de santé publique dans le combat contre une pandémie de cette ampleur.

Transmission des agents pathogènes du SARS-CoV-2

La transmission de pathogènes peut survenir entre humains par inhalation de gouttelettes respiratoires infectées, en particulier si l’exposition aux gouttelettes intervient à une distance rapprochée (6 pieds, soit 1,8 mètre) ou en présence d’une exposition continue à un nombre élevé d’aérosols dans un environnement relativement clos.12,13 La transmission peut également survenir dans le cadre de contact direct ou indirect, avec les muqueuses (c.-à-d. les yeux, le nez, la bouche) et par les voies digestives.12,14 Il existe désormais des preuves que la transmission peut intervenir à la suite d’un contact direct ou indirect avec des surfaces contaminées (fomites), pouvant prédisposer à une auto-inoculation et/ou une transmission ultérieure. À l’image d’autres coronavirus, le SARS-CoV-2 peut survivre dans l’environnement extérieur pendant environ 12 heures sur les tissus et les surfaces en carton et jusqu’à 72 heures sur des surfaces en plastique ou métalliques.11,15,16

Prévenir la transmission du SARS-CoV-2 reste l’effort de santé publique le plus efficace pour limiter l’impact. Cet effort inclut l’identification rapide des cas, le suivi des contacts, l’isolement et la mise en quarantaine des individus infectés/exposés et des soins de soutien. Nous considérons les unités de soins périopératoires comme des sites potentiels méconnus d’exposition au SARS-CoV-2. Par conséquent, des recommandations pour le milieu hospitalier devraient être mises à la disposition des professionnels de santé afin de gérer l’exposition et de mettre en œuvre des mesures pour limiter la transmission.

Enseignements tirés des épidémies antérieures decoronavirus (SARS-CoV, MERS)

L’épidémie de SARS-CoV à Toronto en 2002 et de MERS-CoV en 2012 nous ont appris que la majorité des cas étaient associés à une transmission nosocomiale, en particulier parmi les professionnels de santé exposés aux procédures génératrices d’aérosols.17 Malgré les protocoles de sécurité instaurés, l’infection confirmée par le SARS-CoV des professionnels de santé a été associée à l’intubation de patients infectés par le SARS-CoV en unités de soins intensifs, lorsque plusieurs tentatives d’intubation étaient nécessaires, et lorsque plus de trois individus étaient présents dans la salle.18 D’autres facteurs de risque sont le contact avec les patients pendant les procédures susceptibles de libérer des aérosols, notamment par nébuliseurs, appareils de ventilation en pression positive continue (CPAP), appareils de ventilation d’aide à deux niveaux de pression (BiPAP) ou oxygénothérapie nasale à haut débit.11 Cependant, des mesures renforcées et le respect du port des EPI ont permis de limiter la transmission nosocomiale lors de la deuxième vague de l’épidémie de SARS-CoV à Toronto. Des données plus récentes suggèrent que l’oxygénothérapie nasale à haut débit n’augmenterait peut-être pas la dispersion des aérosols lors d’une toux spontanée chez des volontaires en bonne santé.19

Enseignements tirés de l’épidémie actuelle (SARS-CoV-2) :

L’expérience en Chine, en Italie, au Royaume-Uni et aux États-Unis prouve clairement que la transmission communautaire est responsable de la majorité des patients infectés.1 La prévalence de la maladie reste élevée dans diverses parties du monde, où l’absence de tests de dépistage fiables et largement disponibles représente un risque de transmission nosocomiale dans le domaine périopératoire. La période qui précède immédiatement l’apparition des symptômes est associée à une excrétion virale du SARS-CoV-2 et représente un potentiel énorme de transmission, impliquant ainsi davantage tous les patients (asymptomatiques) qui constituent un risque supplémentaire.20,21 Afin de protéger et d’assurer la sécurité des professionnels de santé et, par extension, des patients en empêchant la transmission nosocomiale du SARS-CoV-2, un effort coordonné avec le plein soutien de l’établissement est nécessaire.22

En raison de la propagation rapide de la COVID-19, la capacité des établissements de santé à se préparer à la hausse du nombre d’hospitalisations et à mettre en œuvre des stratégies d’atténuation des risques a subi la pression du temps. L’anxiété et la crainte ont fait subir des pressions supplémentaires aux soignants, en particulier en raison de la préoccupation liée aux approvisionnements insuffisants d’équipements de protection individuelle (EPI) et de l’absence de clarté des informations ou d’une réflexion harmonisée de la part des dirigeants. Nous avons appris que des messages discordants causaient la confusion, créaient des tensions et ralentissaient la mise en œuvre des protocoles. En outre, il est difficile de se tenir informé des directives en évolution constante et de les communiquer clairement à un établissement tout entier. Nous recommandons une approche harmonisée du soutien et de la communication aux membres du personnel dans votre établissement.

Transmission des pathogènes au bloc opératoire et dans l’environnement de travail des anesthésistes-réanimateurs

Au bloc opératoire, l’environnement de travail des anesthésistes-réanimateurs présente de nombreuses surfaces exposées aux gouttelettes, agissant comme des réservoirs du virus en l’absence de mesures de précaution ou de procédures de décontamination. Comme mentionné précédemment, les processus favorisant l’aérosolisation de crachats par un individu infecté dans les unités de soins périopératoires représentent une source potentielle d’exposition des professionnels de santé. Pour les anesthésistes-réanimateurs, il convient de prêter une attention particulière aux périodes pendant l’intubation et l’extubation, car elles présentent le plus haut risque d’exposition et entraînent un contact direct avec les gouttelettes respiratoires, pendant la gestion des voies respiratoires.23,24

Les espaces situés juste à l’extérieur du bloc opératoire et autour du service opératoire présentent peu de risques en termes de génération d’aérosols, tout en constituant toutefois des sources potentielles de transmission. Quel que soit le lieu, un équipement de protection individuelle (EPI) inapproprié ou mal utilisé, ainsi qu’une hygiène des mains insuffisante sont des facteurs potentiels de transmission aux professionnels de santé.25.26

Recommandations pour la pratique périopératoire de l’anesthésie chez les patients atteints de la COVID-19

En raison du potentiel de transmission du SARs-CoV-2 des patients asymptomatiques et des professionnels de santé, nous recommandons une intensification des mesures à respecter lors de la gestion périopératoire de tous les patients afin de limiter l’exposition aux sécrétions.

Hygiène des mains :

Se laver souvent les mains est l’une des mesures d’hygiène les plus importantes dans la protection contre la contamination, et celle-ci doit être activement appliquée. Des gels hydroalcooliques doivent être placés à proximité de chaque poste de travail d’anesthésie ou de l’unité de réanimation. L’hygiène des mains doit être pratiquée méticuleusement, conformément aux protocoles établis, notamment après le retrait des gants, après tout contact avec des surfaces sales ou contaminées ; avant de toucher l’appareil d’anesthésie, le chariot d’anesthésie ou son contenu et après tout contact avec le patient (par ex. mise en place du thermomètre, introduction de la sonde nasogastrique).

Équipement de protection individuelle :22,27,28

Des équipements de protection individuelle doivent être mis à la disposition de tous les soignants et doivent inclure un masque N95 (ou FFP2 en Europe) ou un appareil respiratoire à épuration d’air motorisé, une protection des yeux telle que des lunettes ou une visière, une charlotte jetable, une blouse imperméable et résistante aux projections, des surchaussures et deux paires de gants. Les charlottes jetables pour bloc opératoire limitent le risque de contamination des mains en se touchant les cheveux, susceptibles d’avoir été exposés à des gouttelettes. Il est fondamental de se laver les mains avant et après avoir enfilé ou retiré l’EPI.

Les masques N95 (FFP2) répondent pleinement aux critères d’efficacité de filtration du National Institute for Occupational Safety and Health (NIOSH) et sont approuvés pour la protection contre la transmission par gouttelettes et par voie aérienne de 95 % des particules de taille supérieure à 0,3 micron. Les masques N95 (FFP2), qui doivent être soumis à des essais d’ajustement, offrent une protection contre la propagation du coronavirus par contact et par gouttelettes. Il est également possible d’utiliser un appareil respiratoire à épuration d’air motorisé (PAPR) à la place d’un masque N95. Il fournira une protection équivalente à un masque N95 (FFP2), mais peut être plus polyvalent en termes de tailles de visage différentes, en présence d’une barbe ou dans des scénarios d’usages multiples. Il convient de se rappeler qu’un appareil respiratoire à épuration d’air motorisé (PAPR) peut être plus difficile à mettre et à enlever sans auto-contamination et par conséquent, une observation attentive par un(e) collègue peut permettre d’atténuer ce risque. Au minimum, les masques N95 (FFP2) ou leur équivalent doivent être utilisés pour tous les cas avérés ou suspectés de COVID-19.

Les soignants et leurs établissements doivent connaître les protocoles pour mettre et enlever les EPI correctement. Il est important d’organiser des exercices de simulation d’intubation/extubation avec un EPI dans des conditions réelles (in situ). De tels exercices permettent de favoriser une utilisation appropriée de l’EPI par les soignants et d’identifier les obstacles au respect des règles. Il convient que l’établissement ait mis des mesures en place afin d’éviter les intubations en séquence rapide en urgence où l’EPI ne peut être correctement porté.

Contrôle des voies aériennes (intubation et extubation) :

Gestion des voies respiratoires COVID-19Avant l’exposition à une procédure génératrice d’aérosols ou la gestion des voies respiratoires, les soignants doivent se protéger en enfilant les EPI appropriés, décrits ci-dessus. Lors de l’intubation et de l’extubation, limitez le nombre de personnes présentes dans la salle afin de réduire le risque d’exposition inutile, sauf si les membres du personnel portent les EPI appropriés. Assurez-vous qu’un plan a été élaboré pour les cas de difficultés inopinées des voies respiratoires et que les équipements de sauvetage sont immédiatement disponibles, y compris un dispositif supraglottique et un kit d’abord chirurgical des voies aériennes.

Préparez l’équipement d’intubation à proximité du patient et planifiez sa mise au rebut afin de limiter la distance de trajet de l’équipement contaminé. Envisagez la technique du double gantage pendant l’intubation et de recouvrir la lame du laryngoscope de vos gants extérieurs tout de suite après l’intubation. Vous pouvez aussi placer le laryngoscope usagé directement dans un sachet hermétique, puis retirer la couche extérieure de gants.25

L’extubation provoque souvent une plus grande génération d’aérosols que l’intubation et elle doit être réalisée en respectant à la lettre les directives relatives aux EPI, décrites ci-dessus. Assurez-vous que les autres professionnels de santé présents dans la salle (par ex. un inhalothérapeute et un(e) infirmier(ière)) portent aussi leurs EPI. Envisagez l’utilisation de gaze ou d’une protection en tissu pour vous couvrir la bouche et le nez pendant l’extubation. Éliminez soigneusement l’équipement contaminé. Envisagez sérieusement la prophylaxie antiémétique afin de réduire le risque de vomissement et de propagation virale potentielle.

Planification du flux de travail périopératoire et formation axée sur la simulation :

Étudiez les besoins des flux de travail périopératoires spécifiques à la gestion des patients COVID-19 au sein de votre établissement.29 Il est possible qu’il soit nécessaire de revoir les flux de travail, de mettre en œuvre des check-lists et de pratiquer des tests en temps réel afin de révéler des dangers ou des lacunes dans les soins. Désignez des blocs opératoires spécifiques pour les patients COVID-19 et réduisez au minimum la contamination en retirant les contenus inutiles et en revêtant de plastique les équipements qui ne peuvent pas être déplacés. Nous recommandons de former les équipes dans le cadre d’exercices de simulation in-situ afin de les sensibiliser aux changements périopératoires pour les patients COVID-19 et favoriser le développement d’un modèle mental commun parmi les équipes soignantes.30 La formation axée sur la simulation pour mettre et enlever les EPI, l’intubation, l’extubation et la gestion d’un évènement indésirable chez un patient COVID-19 est également recommandée. Une partie des ressources en ligne de l’établissement de l’auteur peut être consultée sur le site suivant : https://www.anesthesiaeducation.net/qsi_covid19/.

Recommandations en matière de gestion des voies aériennes chez un patient atteint ou suspecté d’être atteint du coronavirus (SARS CoV-2)

Précautions générales :

  1. Votre protection personnelle est la priorité. Un équipement de protection individuelle (EPI) doit être mis à la disposition de tous les soignants afin que toutes les précautions d’isolement des particules en suspension/gouttelettes/contact soient prises. Passez en revue les protocoles pour mettre et enlever les EPI. Anticipez, afin que le personnel dispose de suffisamment de temps pour passer l’EPI et appliquer les gestes barrières. Une grande attention est requise pour éviter l’autocontamination.
  2. Les cas de SARS CoV-2 confirmés ou suspectés ne doivent PAS être amenés en salle d’attente ou en SSPI. Un bloc opératoire doit être dédié à ces cas et des panneaux d’avertissement doivent être apposés sur les portes pour réduire au minimum l’exposition du personnel. Les cas infectés doivent être extubés et surveillés en salle d’opération ou transférés en unité de soins intensifs, dans une chambre à pression négative. Préparez un clamp pour déconnecter les circuits.
  3. Assurez-vous de disposer d’équipements suffisants pour le contrôle des voies respiratoires et les évènements imprévus. En outre, veillez à avoir à disposition un filtre échangeur de chaleur et d’humidité, éliminant au moins 99,97 % des particules en suspension de 0,3 micron ou de taille supérieure, ainsi qu’un clamp de sonde trachéale avant de commencer l’intubation.

Lors du contrôle des voies aériennes :

  1. Portez un masque respiratoire N95 (FFP2) jetable ajusté, un masque respiratoire à adduction d’air filtré motorisé (PAPR) ou masque équivalent, une protection pour les yeux, une blouse, deux paires de gants et des chaussures de protection. Utilisez un monitorage standard du patient, comme vous le feriez pour toute induction d’anesthésie.
  2. Désignez l’anesthésiste le plus expérimenté disponible pour réaliser l’intubation, si possible. Évitez de faire réaliser les intubations de patients atteints ou suspectés d’être atteints du SARS CoV-2 par des stagiaires pendant cette période.
  3. Discutez le plan élaboré pour les cas de difficultés inopinées des voies respiratoires et assurez-vous que les équipements de sauvetage sont immédiatement disponibles, y compris un dispositif supraglottique et un kit d’abord chirurgical des voies aériennes.
  4. Évitez les intubations fibroscopiques vigiles, sauf si expressément indiquée. Un anesthésique local en spray diffusera le virus par aérosol. Il est donc indiqué de recourir à des techniques topiques différentes. Utilisez des équipements que le professionnel pratiquant l’intubation a l’habitude d’utiliser ; l’appareil principal d’intubation recommandé est un vidéo-laryngoscope pour augmenter le succès de l’intubation.31
  5. Préoxygénez pendant au moins cinq minutes avec de l’oxygène à 100 % ou jusqu’à l’obtention de la concentration recherchée de O2 en fin d’expiration.
  6. Réalisez une intubation en séquence rapide (ISR) afin d’éviter la ventilation manuelle des poumons du patient. Assurez-vous de la disponibilité d’un assistant compétent pour appliquer une pression cricoïdienne. Si une ventilation manuelle est requise pendant une ISR modifiée, appliquez de petits volumes courants, en veillant à mettre en place un filtre échangeur de chaleur et d’humidité.
  7. Dès l’intubation réalisée, gonflez le ballonnet de la sonde trachéale, avant d’appliquer la ventilation en pression positive.
  8. Veillez à la présence d’un filtre échangeur de chaleur et d’humidité de haute qualité entre le masque/la sonde trachéale et le circuit respiratoire ou le ballon en toutes circonstances.
  9. Remettez immédiatement le laryngoscope dans sa housse une fois l’intubation terminée ou placez-le dans une poche de récupération de spécimens hermétiquement fermée. Scellez l’intégralité de l’équipement d’assistance respiratoire utilisé dans un sac en plastique fermé à double zip. Il doit ensuite être enlevé pour être décontaminé et désinfecté.
  10. L’extubation doit être réalisée en respectant strictement les règles de port des EPI. Envisagez l’utilisation d’une protection en tissu pour vous couvrir la bouche et le nez pendant l’extubation. Éliminez soigneusement l’équipement contaminé.
  11. Après avoir retiré l’équipement de protection, rappelez-vous d’éviter de vous toucher les cheveux ou le visage avant de vous être lavé les mains.
  12. Envisagez de dépister les symptômes chez les soignants impliqués dans le contrôle des voies respiratoires d’un patient COVID-19, à un niveau local ou à l’aide d’une plateforme en ligne telle que le registre à l’adresse https://intubatecovid.org.org.

Recommandations en matière de gestion des voies aériennes chez un patient atteint ou suspecté d’être atteint de COVID-19

Recommandations pour la reprise des activités opératoires non urgents et électifs

Alors que les systèmes de santé commencent à planifier la reprise des opérations non urgentes, puis des cas électifs avec l’aplatissement de la courbe d’infection du SARS-CoV-2, il reste primordial de continuer à respecter les normes les plus strictes fondées sur les faits, qu’il s’agisse de directives locales, nationales ou internationales, afin de protéger les patients et les soignants. La recrudescence de cas de COVID-19 reste une forte possibilité et une réelle inquiétude pour une multitude de raisons, notamment la variation de la disponibilité des tests, l’absence de certitude concernant l’immunité conférée par une exposition antérieure, la prévalence de la maladie, etc.32 Par conséquent, il convient d’encourager une surveillance constante, en mettant l’accent sur des efforts constants de la part du public.

En anticipation de la réouverture des services périopératoires pour les cas non urgents/électifs, nous recommandons une planification rigoureuse de la part des établissements, avec une reprise lente et échelonnée des cas non urgents, comme le suggère la Déclaration de consensus de l’American College of Surgeons (ACS), l’American Society of Anesthesiologists (ASA), l’American Hospital Association (AHA) et l’Association of Perioperative Registered Nurses (AORN) (Guide pour la reprise des chirurgies électives après la pandémie de COVID-19).33 Les politiques et les flux de travail de l’établissement pour la reprise des cas non urgents/électifs devront tenir compte de la disponibilité des tests, de la prévalence locale de la maladie, de la procédure chirurgicale et de l’indication, de la capacité de l’hôpital et de l’USI, ainsi que des besoins en effectifs. Les espaces de travail physiques devront être prévus de manière à optimiser la distanciation entre le patient et le soignant. Il faudra continuer à prendre des mesures pour poursuivre la formation et le soutien du personnel dans le cadre de la réponse globale de l’hôpital au COVID-19.34 Conformément au consensus suscité, nous défendons une approche échelonnée de la reprise des chirurgies indiquées médicalement, assujetties à des contraintes de temps.34–36 Nous privilégions des politiques et des protocoles qui hiérarchisent les besoins cliniques des patients et la capacité de l’établissement afin de limiter la concurrence pour la capacité opératoire limitée.

La base de la gestion des risques pendant la reprise après la pandémie restera le dépistage préopératoire fondé sur les symptômes. La plupart des hôpitaux ont un service dédié qui s’assure que les patients qui présentent des symptômes peuvent supporter un retard de chirurgie avec un suivi 14 jours plus tard dans la mesure du possible.

Dépistage COVID-19

Recommandations pour le dépistage préopératoire

Le dépistage préopératoire est en cours de mise en œuvre à travers le monde avec trois objectifs principaux, à savoir :

  • Repousser la chirurgie élective chez les patients qui sont symptomatiques ou qui sont testés positifs.
  • Déclencher des protocoles périopératoires pour des soins appropriés des cas confirmés ou suspects de COVID-19.
  • Conseiller sur l’utilisation appropriée des EPI et des protocoles de soins périopératoires.

Nous soutenons les recommandations du consensus de l’ASA et de l’APSF (Consensus de l’ASA et de l’APSF sur le dépistage périopératoire du virus COVID-19).37 Il conviendra d’étudier une évaluation des risques de la population qui identifie la prévalence de SARS-CoV-2.

En cas de présence locale ou régionale du SARS-CoV-2 :38

  1. Tous les patients doivent être dépistés à la recherche de symptômes avant de se présenter à l’hôpital. Les patients qui présentent des symptômes devront être orientés vers une évaluation supplémentaire. Tous les autres patients devront subir des tests d’amplification des acides nucléiques (y compris des tests PCR) avant toute intervention chirurgicale non urgente. Les systèmes de santé peuvent envisager d’encourager les patients à se confiner dans l’attente des résultats des tests.
  2. Du fait de la possibilité de résultats faux négatifs lors du dépistage, le personnel du bloc opératoire devra prendre des précautions pour se protéger des gouttelettes (masque chirurgical et protection des yeux) pour les patients chirurgicaux. Avant de réaliser une procédure génératrice d’aérosols, les soignants présents dans la salle devront porter un masque N95 (FFP2), une protection des yeux, des gants et une blouse.
  3. Si un patient est testé positif au SARS-CoV-2, il conviendra de retarder les procédures chirurgicales électives jusqu’à ce que le patient ne soit pas plus infectieux et puisse prouver qu’il est guéri du COVID-19. Un patient peut être infectieux tant que :
    1. Stratégie fondée sur le dépistage recommandée par le CDC
      1. Absence de fièvre sans recours à des antipyrétiques
      2. Amélioration des symptômes respiratoires
      3. Résultats négatifs à deux tests SARS-CoV-2 réalisés dans un délai égal ou supérieur à 24 heures l’un de l’autre
    2. Stratégie non fondée sur le dépistage du CDC
      1. Absence de fièvre sans recours à des antipyrétiques depuis au moins 72 heures et amélioration des symptômes respiratoires
      2. Au moins sept jours depuis l’apparition des symptômes.
  4. Il est impossible au moment présent de faire des recommandations concernant la définition d’un rétablissement suffisant des changements physiologiques causés par le SARS-CoV-2. Toutefois, une évaluation devra inclure une étude de la capacité du patient à faire de l’exercice physique (équivalents métaboliques ou METS).

En cas de présence locale ou régionale du SARS-CoV-2 minime ou inexistante :

  1. Tous les patients doivent être dépistés à la recherche de symptômes avant de se présenter à l’hôpital.
  2. Les patients qui présentent des symptômes devront être orientés vers une évaluation plus approfondie.

Remarques

En l’absence d’un vaccin ou d’interventions pharmacologiques éprouvées, nous recommandons de continuer à mettre l’accent sur les efforts de santé publique et les interventions non pharmacologiques dont le Centre pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC), l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et les gouvernements locaux se portent garants. Nous préconisons également de continuer à tirer parti de la technologie (télémédecine) dans le cadre périopératoire, afin de faciliter la distanciation sociale et de limiter les transmissions nosocomiales.39

 

Le Dr. Liana Zucco est spécialiste de la qualité et de la sécurité périopératoire en matière d’anesthésie au Beth Israel Deaconess Medical Centre et candidate au master de qualité et sécurité des soins de santé de Harvard Medical School, Boston, Massachusetts.

Le Dr. Nadav Levy est spécialiste de la qualité et de la sécurité périopératoire en matière d’anesthésie au Beth Israel Deaconess Medical Centre et candidat au master de qualité et sécurité des soins de santé de Harvard Medical School, Boston, Massachusetts.

Le Dr. Desire Ketchandji est spécialiste de la réanimation dans le cadre de l’anesthésie à l’Oregon Health and Science University, Portland, Oregon.

Le Dr. Michael Aziz est vice-président par intérim des affaires cliniques et professeur au Service d’anesthésiologie et médecine périopératoire de l’Oregon Health and Science University, Portland, Oregon.

Le Dr. Satya Krishna Ramachandran est vice-président par intérim de la qualité, la sécurité et l’innovation, professeur associé d’anesthésie, du Service d’anesthésie, réanimation et traitement de la douleur du Beth Israel Deaconess Medical Center, Harvard Medical School, Boston, Massachusetts.

Drs Zucco, Levy, Ketchandji et Aziz ne signalent aucun conflit d’intérêts en lien avec cet article. Le Dr. Ramachandran perçoit des honoraires de Fresenius Kabi USA (conseiller scientifique).

Documents de référence

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