Éclairage sur l’erreur récurrente d’administration du mauvais médicament par la mauvaise voie — substitution d’acide tranexamique avec la bupivacaïne : Une approche multidisciplinaire pour résoudre ce grave problème de sécurité des patients

Paul A. Lefebvre, JD, Patricia Meyer, PharmD, MS, Angela Lindsey, Rita Jew, PharmD, MBA, Elizabeth Rebello, RPh, MD

INTRODUCTION

Soumis à la Galerie des flacons d’apparence semblable de l’APSF par Andrea Regan, MscS, MSA, CAA.

Soumis à la Galerie des flacons d’apparence semblable de l’APSF par Andrea Regan, MscS, MSA, CAA.

En dépit des progrès technologiques et des efforts constants des défenseurs de la sécurité des patients, les erreurs médicamenteuses surviennent régulièrement dans les établissements de santé du pays.1-2 Chaque jour, les anesthésistes relèvent des défis qui contribuent fréquemment à des erreurs médicamenteuses, tels que l’absence de normalisation, les pénuries de médicaments, les pressions de production, le stress constant au travail et des ressources limitées. L’Organisation mondiale de la santé estime que le coût mondial des erreurs médicamenteuses s’élève à 42 milliards de dollars.3 Le moindre instant de déconcentration ou, plus fréquemment, des problèmes systémiques dans le flux de travail contribuent aux erreurs médicamenteuses. D’autre part, une erreur médicamenteuse associant le mauvais médicament à la mauvaise voie d’administration a des conséquences catastrophiques pour le patient.

À titre d’illustration, nous avons identifié une tendance inquiétante où les anesthésistes ont administré par inadvertance de l’acide tranexamique (TXA) par injection intrathécale dans le cadre de blocs périmédullaires. Le taux de mortalité associé à cette erreur médicamenteuse est de l’ordre de 50 %.4 Au cours des 10 dernières années, la Preferred Physicians Medical (PPM), une société d’assurance-responsabilité professionnelle des anesthésistes, a reçu six signalements d’incidents concernant des substitutions TXA-bupivacaïne (la majorité étant survenus pendant les quatre dernières années). Les six incidents sont survenus dans le cadre de procédures orthopédiques ; toutefois, une étude rétrospective suggère que cette erreur médicamenteuse, associant le mauvais médicament à la mauvaise voie d’administration avec substitution TXA-bupivacaïne, s’est produite pendant des accouchements par césarienne et d’autres procédures abdominales.4 D’après les résultats de plusieurs études, notamment l’essai POISE-3 qui a démontré que le TXA réduisait jusqu’à 25 % le risque d’hémorragie, l’utilisation de ce produit est en hausse depuis quelques années.5-7 Maintenant que le TXA est administré plus souvent, il est impératif de prendre des mesures pour prévenir les erreurs d’administration de médicaments.

Dans cet article, nous examinons un cas de substitution TXA-bupivacaïne, nous partageons les points de vue d’un groupe multidisciplinaire de contributeurs et nous proposons des recommandations pour éviter que ces erreurs médicamenteuses catastrophiques ne se reproduisent.

Poches prémélangées

Le taux de mortalité peut atteindre 50 % dans les cas d’administration accidentelle de TXA par voie intrathécale

ÉTUDE DE CAS

Un homme de 67 ans s’est présenté pour une arthoplastie totale du genou gauche. Les antécédents médicaux du patient étaient significatifs à savoir obésité morbide, hypertension et maladie coronarienne. Le protocole prévoyait une anesthésie sous-arachnoïdienne sous sédation. Il était également prévu qu’un anesthésiste administre du TXA pendant l’opération à la demande du chirurgien. Les politiques et les procédures hospitalières précisaient que le TXA devait être commandé à la pharmacie en poches de perfusion préremplies. Toutefois, cette pratique était rarement respectée par l’équipe chirurgicale au bloc opératoire. Habitué à la pratique du bloc opératoire, l’anesthésiste a retiré des flacons de TXA et de bupivacaïne de 10 mL du système de distribution automatisé, dans la phase préparatoire de l’opération.

Une fois que le patient est arrivé au bloc opératoire, l’anesthésiste a rempli une seringue étiquetée « Marcaïne/Fentanyl » de ce qu’il pensait être de la bupivacaïne. L’anesthésiste a eu des difficultés à administrer l’anesthésiant en raison de la corpulence du patient et il a appelé le chef du service d’anesthésie-réanimation pour l’aider. Le chef de service a administré une dose de 2,5 mL mais le produit n’a pas induit l’effet escompté. Quelques minutes après, le patient signalait un prurit du périnée. L’équipe d’anesthésie a présumé que la gêne ressentie par le patient était le résultat d’un échec de l’anesthésiant et a décidé de procéder par anesthésie générale. Après induction, des mouvements musculaires légers ont été remarqués dans les jambes du patient. Une fois que la procédure a avancé jusqu’au point où le TXA devait être administré, l’anesthésiste a découvert que le flacon de TXA était ouvert, alors que celui de bupivacaïne était encore hermétiquement fermé et inutilisé sur le chariot d’anesthésie. Se rendant compte que le patient avait reçu une dose de 250 mg de TXA par voie intrathécale, l’anesthésiste a alerté le chef de service et le chirurgien. Ils ont décidé de terminer la procédure et d’évaluer le patient une fois arrivé dans la SSPI.

Le patient est resté intubé et sous perfusion de propofol lors du transfert en SSPI, où peu de temps après, il a été pris de convulsions. Le patient a été transféré en service de soins intensifs neurologiques (USI neurologique) pour évaluation. La décision a alors été prise de ramener le patient au bloc opératoire pour subir un lavage du liquide céphalorachidien. Après la procédure, le médecin en charge de l’unité de soins intensifs neurologiques a choisi de laisser le patient sous isoflurane jusqu’à l’arrêt des convulsions ou jusqu’à ce que l’agent par inhalation ne soit plus toléré. Plus tard, l’isoflurane a été remplacé par du propofol et de la kétamine et les convulsions ont cessé le 3e jour postopératoire.

Le patient a passé un long séjour en USI neurologique. Il a été atteint de delirium causé par une encéphalopathie toxique et métabolique et de crises myocloniques nécessitant une intubation prolongée. La trachée a été extubée au 14e jour postopératoire et la sonde nasogastrique a été retirée le 17e jour postopératoire. Le patient présentait des déficits cognitifs, notamment des troubles de la mémoire à court et long terme.
Il a été transféré dans un centre de rééducation le 23e jour postopératoire. Pendant son séjour de deux semaines, les fonctions cognitives, motrices et la mémoire du patient se sont progressivement améliorées. Le patient a également été traité pour une douleur à l’épaule, imputée à une déchirure de la coiffe des rotateurs causée par les convulsions. Le patient a dû recevoir des soins infirmiers spécialisés pendant plusieurs semaines après sa sortie d’hôpital. Heureusement, le rétablissement du patient a été remarquable. Son neurologue a noté le retour à la normale de ses fonctions exécutives et motrices environ 13 mois après l’événement.

Le patient et sa femme ont ensuite intenté un procès contre les anesthésistes concernés, le groupe d’anesthésistes, l’hôpital et le chirurgien orthopédique. L’anesthésiste a reconnu sa responsabilité dès le début de l’affaire et les parties ont mené la procédure de recherche de preuves (« discovery ») afin d’évaluer entièrement les préjudices des plaignants. Les parties ont arbitré l’affaire un an plus tard et les plaignants ont réglé l’affaire avec l’anesthésiste et le groupe d’anesthésistes dans les limites fixées par les règlements.

DISCUSSION

Le nombre élevé d’injections accidentelles de TXA dans l’espace intrathécal est inacceptable et continue à survenir

En 2023, une étude narrative de 22 signalements récents de toxicité intrathécale associée au TXA, survenus entre juillet 2018 et septembre 2022, a constaté que 36 % des patients étaient décédés et 19 % souffraient de préjudices permanents. Les préjudices permanents allaient d’une faiblesse musculaire résiduelle à des douleurs chroniques extrêmes, forçant le patient à rester alité en permanence, en passant par des douleurs chroniques, des fractures vertébrales en T10 et L1 causées par les convulsions, de légers troubles cognitifs et de nombreux déficits neurologiques.5 Une relation dose-effet n’a pas été établie. Les effets sur les patients étaient variables. Ainsi, certains patients sont décédés après l’administration d’une dose comprise entre 160 et 200 mg, alors que d’autres patients ont survécus à des doses comprises entre 300 et 350 mg. Il a également été constaté que le manque de connaissances de la part de l’équipe périopératoire sur les caractéristiques de toxicité du TXA avait entraîné un retard de diagnostic. La gravité des préjudices causés aux patients lors de l’administration intrathécale du mauvais médicament est généralement liée à la toxicité du produit, administré par la mauvaise voie.8 Lorsque le TXA est administré par voie intrathécale, cette neurotoxine puissante peut causer des lésions neurologiques, des convulsions, une paraplégie, une fibrillation ventriculaire et la mort.9-12 Le Système d’analyse et de classification des facteurs humains (Human Factors Analysis Classification System) a été utilisé pour évaluer et classifier les facteurs humains et systémiques qui avaient contribué aux erreurs. La cause prédominante dans les 22 événements était une méprise entre les ampoules ou flacons de TXA à l’apparence semblable à des produits d’anesthésie locale. Les auteurs ont suggéré qu’un système de double vérification du médicament par un autre humain ou un outil technologique, tel qu’un lecteur de code-barres, aurait pu permettre d’éviter les erreurs.

La même erreur qui se produit à multiples reprises, avec l’administration accidentelle de TXA dans l’espace intrathécal, mérite un appel à la mise en œuvre de stratégies de prévention fiables dans chaque espace périopératoire.8,10-12 En 2010, la Conférence Stoelting de l’Anesthesia Patient Safety Foundation (APSF) sur la sécurité médicamenteuse a élaboré des recommandations pour de nouvelles stratégies visant à une « amélioration rapide et prévisible » de l’utilisation des médicaments au bloc opératoire.12 Nombre de ces recommandations n’ont pas été aussi largement adoptées et mises en œuvre que l’auraient souhaité les experts en sécurité. L’une des recommandations consistait à interrompre, dans la mesure du possible, l’utilisation des médicaments systématiquement préparés par les médecins et de faire préparer les médicaments à risque par la pharmacie, sous une forme prête à l’emploi (bolus ou perfusion), appropriée aux patients adultes et pédiatriques.

L’Institut pour la sécurité des médicaments (Institute for Safe Medication Practices, ISMP) a développé la hiérarchie de l’efficacité des stratégies de réduction des risques, qui classait diverses stratégies de prévention des erreurs des moins efficaces aux plus efficaces (Figure 1).13 Les stratégies de réduction des risques, telles que l’éducation, la formation et les règlements, sont considérées comme étant les moins impactantes et les moins efficaces. Bien que ces pratiques présentent des avantages, elles s’appuient sur les humains et il a été démontré qu’elles sont moins efficaces que les stratégies fortement impactantes qui ciblent les systèmes. Les stratégies de réduction des risques les plus efficaces pour prévenir les erreurs sont les fonctions de verrouillage, les sécurités physiques et les dispositifs à sécurité intrinsèque, l’automatisation et l’informatisation.13 Un exemple de fonction de verrouillage et de dispositif à sécurité intrinsèque est l’adoption de la connectique neuraxiale NRFit™ au Japon, conçue pour éviter les erreurs de connexion et de voie d’administration des médicaments. Cette technique a pu être mise en place grâce à la sensibilisation menée avec le ministère japonais de la Santé, du Travail et des Affaires sociales.14 Malheureusement aux États-Unis, des efforts semblables se sont heurtés à une opposition.15

L’autorisation d’utiliser la Figure 1 a été accordée par l’ISMP. ©2022 Institute for Safe Medication Practices (ISMP).<br /><br />
Figure 1. Hiérarchie de l’ISMP de l’efficacité des stratégies de réduction des risques. Les stratégies les plus impactantes sont les plus efficaces parce qu’elles limitent le risque d’erreurs et de préjudices associés en « éliminant les dangers par conception ». Toutefois, elles nécessitent souvent des plans de mise en œuvre complexes. Les stratégies moyennement impactantes, qui sont plus faciles à mettre en œuvre, réduisent la probabilité des erreurs ou atténuent les préjudices. Toutefois, elles nécessiteront éventuellement des mises à jour et des perfectionnement périodiques. Les stratégies peu impactantes, qui visent à améliorer les performances humaines, sont faciles et rapides à mettre en œuvre. Toutefois, il s’agit des stratégies les moins efficaces pour la prévention des erreurs, bien qu’elles soient souvent utilisées.

L’autorisation d’utiliser la Figure 1 a été accordée par l’ISMP. ©2022 Institute for Safe Medication Practices (ISMP).

Figure 1. Hiérarchie de l’ISMP de l’efficacité des stratégies de réduction des risques. Les stratégies les plus impactantes sont les plus efficaces parce qu’elles limitent le risque d’erreurs et de préjudices associés en « éliminant les dangers par conception ». Toutefois, elles nécessitent souvent des plans de mise en œuvre complexes. Les stratégies moyennement impactantes, qui sont plus faciles à mettre en œuvre, réduisent la probabilité des erreurs ou atténuent les préjudices. Toutefois, elles nécessiteront éventuellement des mises à jour et des perfectionnement périodiques. Les stratégies peu impactantes, qui visent à améliorer les performances humaines, sont faciles et rapides à mettre en œuvre. Toutefois, il s’agit des stratégies les moins efficaces pour la prévention des erreurs, bien qu’elles soient souvent utilisées.

L’application de la hiérarchie de l’ISMP des stratégies les plus efficaces de réduction des risques consistant à utiliser des sécurités physiques et des fonctions de verrouillage est appropriée pour les erreurs d’administration intrathécale de TXA. Il faudrait restreindre ou éliminer les flacons/ampoules de TXA et autoriser uniquement les poches de 1.000 mg par 100 mL de TXA prêtes à administrer, préparées par le fabricant ou les poches de perfusion préparées par la pharmacie. Il est probable que cette stratégie crée une contrainte permettant d’éviter le problème de ressemblance entre les flacons ou ampoules de produit anesthésiant local et de TXA.

Le retrait des flacons de médicaments qui causent des préjudices aux patients des espaces de soins n’est pas un nouveau concept. Dans les années 1990, les flacons de chlorure de potassium concentré étaient généralement stockés et faciles d’accès dans les unités de soins. Après avoir constaté que les flacons étaient la cause du décès de patients, un mouvement national a débuté, exigeant que seul du chlorure de potassium sous forme diluée devait être autorisé dans les unités de soins.16

POINT DE VUE MÉDICO-LÉGAL

SeringueLes cas de plaintes pour faute professionnelle médicale liés à des méprises entre médicaments, telles que celle décrite dans l’étude de cas ci-dessus, ne sont pas défendables d’un point de vue des normes de qualité des soins. Outre le ciblage des médecins responsables, les avocats des plaignants poursuivent les établissements pour négligence. C’est tout particulièrement vrai lorsque les preuves ou les témoignages suggèrent que l’erreur médicamenteuse était une conséquence de la priorité donnée par l’établissement à l’efficacité opérationnelle ou à d’autres mesures d’économie, plutôt qu’à la sécurité des patients. Ces objectifs manquent de perspicacité et peuvent avoir des conséquences préjudiciables aussi bien pour les patients que pour les bénéfices de l’établissement. Lorsque les erreurs médicamenteuses causent des lésions catastrophiques, telles que des lésions cérébrales ou la mort, en règle générale les patients et leur famille demandent des millions de dollars en dommages-intérêts, en particulier si les patients ont besoin de soins médicaux constants ou ne peuvent pas reprendre leur travail.

Outre les poursuites civiles, les médecins qui sont responsables d’erreurs d’administration de médicaments peuvent faire l’objet d’enquêtes menées par l’ordre des médecins et de poursuites pénales. Bien que chaque ordre fonctionne conformément aux lois et règlements de son État, certaines lois sur les cadres d’exercice autorisent les autorités à prendre des mesures disciplinaires officielles à l’encontre des médecins à la suite d’erreurs médicamenteuses. En ce qui concerne l’établissement, les erreurs médicamenteuses peuvent entraîner des contrôles de la part des organes de réglementation et d’accréditation, pouvant avoir des implications aussi bien financières que du point de vue de sa réputation.17

On ne saurait trop insister sur la nécessité de signaler les presque-accidents et les erreurs médicamenteuses et d’analyser les problèmes systémiques au niveau du service et de l’hôpital de manière non répressive. Par ailleurs, la mise en place d’un système permettant un soutien confidentiel approprié entre pairs en cas d’erreur permettra de réduire l’impact négatif à long terme associé à une seconde victime.18 Étant donné que les protections des examens par des pairs sont généralement fixées par les lois de l’État, la capacité d’un établissement hospitalier à favoriser une analyse utile de ces problèmes dépend largement de sa situation géographique. Dans les États dépourvus des protections adéquates, les décideurs politiques devraient travailler à l’adoption de lois permettant aux établissements de mettre en œuvre des pratiques confidentielles et appropriées d’examen par les pairs. Cela permettra aux médecins d’analyser et de discuter librement les soins cliniques, sans crainte que les informations soient utilisées contre eux dans le cadre d’un procès. Ces travaux contribuent à éviter la répétition d’événements défavorables, encouragent les signalements et améliorent les résultats pour les patients.18

POINT DE VUE DU FABRICANT

Afin d’identifier des solutions potentielles, il est important de comprendre la complexité qui résulte du grand nombre et de la diversité de fournisseurs d’un produit spécifique, y compris la variabilité de l’apparence du produit d’un fabricant à l’autre. D’après les données d’IQVIA (anciennement Quintiles et IMS Health Inc.), il existe actuellement 13 sociétés qui fabriquent du TXA pour le marché des États-Unis. Le TXA se présente sous la forme de flacons (81,5 %), de poches de prémélange (16,9 %) et d’ampoules (1,6 %). Huit sociétés fabriquent de la bupivacaïne, principalement en flacons (98,7 %), avec quelques ampoules (1,3 %).19

Cette diversité contribue à garantir un approvisionnement fiable de ces médicaments, toutefois elle crée également le potentiel de variabilité qui peut entraîner une ressemblance entre les produits. Les fabricants peuvent intégrer des informations sur le mode de conservation des médicaments à leurs décisions en termes d’emballage et d’étiquetage, en particulier dans les cas où les produits à plus haut risque sont stockés ensemble, comme l’association de TXA et de bupivacaïne.

Les fabricants peuvent également améliorer la sécurité médicamenteuse en proposant des produits prêts à être administrés (RTA). À l’époque de la Conférence Stoelting 2010 de l’APSF sur la sécurité médicamenteuse, les produits RTA préparés par les fabricants n’étaient pas aussi courants qu’aujourd’hui. Avec la commercialisation récente par les fabricants de poches RTA de 1,000 mg per 100 mL de TXA, la mise en œuvre de la recommandation de l’APSF et de l’ISMP relative à l’utilisation de formes de dosage pré-préparées est un moyen réaliste et réalisable d’éviter les erreurs TXA-bupivacaïne à l’avenir.20 L’utilisation de produits RTA est recommandée par de grands organismes scientifiques et réglementaires, notamment la Joint Commission.21-22 Les poches de prémélange et les seringues préremplies ne nécessitent aucun assemblage sur le lieu d’intervention, ce qui élimine les étapes de préparation où des erreurs peuvent être commises.21-22 D’autre part, les produits RTA préparés par le fabricant et approuvés par la FDA contiennent toutes les informations nécessaires sur l’étiquette du fabricant et un code-barres pour aider à vérifier qu’il s’agit du bon médicament à la bonne dose avant son administration. Cela contribue à la sécurité de l’administration du médicament.23-24 Le processus d’approbation de la FDA pour les fabricants qui souhaitent introduire des produits combinés contenant des médicaments et des systèmes d’administration est rigoureux. Alors qu’une poignée de fabricants possèdent cette capacité de fabrication, le segment croissant de produits RTA constitue un progrès fondamental dans l’administration des médicaments, associé à une amélioration des mesures de sécurité.

PRÉVENIR LES ERREURS MÉDICAMENTEUSES

L’utilisation de produits prêts à administrer peut réduire les erreurs médicamenteuses

La mise en place d’une fonction de verrouillage et de barrières, comme indiqué ci-dessus, de sorte que le TXA soit disponible uniquement en poche de prémélange plutôt qu’en flacon dans l’environnement périopératoire, est la seule et unique mesure la plus efficace pour réduire la survenue d’erreurs associant le mauvais médicament à la mauvaise voie d’administration avec substitution TXA-bupivacaïne. L’ISMP a inclus des dispositifs de sécurité pour éviter les erreurs associant le mauvais médicament à la mauvaise voie d’administration avec le TXA dans ses Bonnes pratiques de sécurité ciblée des médicaments 2024-2025.25 Certaines des recommandations sont citées ci-dessous.

DISPOSITIFS DE SÉCURITÉ DES SYSTÈMES

  • Utiliser si possible des contrôles de sécurité des médicaments assistés par code-barres lors de la préparation et avant l’administration des médicaments dans les espaces chirurgicaux et obstétriques.
  • Développer des protocoles pour utiliser des poches de perfusion prémélangées de TXA ou des poches de perfusion préparées par la pharmacie pour éviter les erreurs.
  • Encourager une culture de sécurité.
  • Maintenir un degré élevé de vigilance lorsque ces deux médicaments sont administrés pendant une opération.
  • Se réunir avec les principales parties prenantes pour analyser leur flux de travail lors de la prescription et de l’administration du TXA afin de garantir la sécurité des pratiques.
  • Évaluer la charge de travail pour s’assurer que les pressions n’entraîneront pas des contournements et des pratiques dangereux.
  • Signaler les presque-accidents et les pratiques médicamenteuses dangereuses.
  • Entreprendre régulièrement des analyses et des discussions sur les événements liés aux médicaments et les incidents évités de justesse qui ont été signalés dans votre établissement.

CONCLUSION

Les erreurs associant le mauvais médicament à la mauvaise voie d’administration avec substitution TXA-bupivacaïne continueront à nuire aux patients en l’absence d’un changement efficace. Les organismes réglementaires ont la capacité de travailler avec les parties prenantes et de promouvoir ce changement. Nous avons fourni les points de vue de nombreuses parties concernées, engagées pour favoriser ce changement.

Les auteurs de cet article sont convaincus que le TXA est un médicament nécessaire et bénéfique pour de nombreuses chirurgies et qu’il doit continuer à être disponible dans les espaces périopératoires. Il faut toutefois retirer les flacons ou les ampoules de TXA des espaces périopératoires et les poches de 100 mL de RTA, que ce soit du fabricant, d’une installation de préparation de mélanges pharmaceutiques 503 B ou de la pharmacie de l’établissement, doivent être la seule et unique forme de dosage du TXA dans les espaces périopératoires. Le coût d’une poche de prémélange peut varier en fonction des régions, des contrats, des remises, des organismes d’achat groupé et des fournisseurs. Ce coût est sans conséquence par rapport au coût d’une erreur médicamenteuse entraînant une morbidité et une mortalité significatives. Le moment est venu d’agir.

 

Paul Lefebvre, JD, est spécialiste principal en sinistres et conseiller en risque pour Preferred Physicians Medical (PPM).

Tricia A. Meyer, PharmD, MS, FASHP, est professeure adjointe du département d’anesthésiologie du Texas A&M College of Medicine, Temple, Texas.

Angie Lindsey est vice-présidente du marketing chez Fresenius Kabi LLC USA ; son point de vue et ses opinions lui appartiennent et ne sont pas nécessairement représentatifs du point de vue et des options de la société.

Rita K. Jew, PharmD, MBA, BCPPS, FASHP, est présidente de l’Institut pour la sécurité des médicaments (Institute for Safe Medication Practices, ISMP).

Elizabeth Rebello, RPh, MD, FASA, FACHE, CPPS, CMQ, est professeure associée du Département d’anesthésie et de médecine périopératoire au MD Anderson Cancer Center de l’Université du Texas.


Tricia Meyer est conférencière pour Eagle Pharmaceutical et a consulté pour Heron.

Les autres auteurs ne signalent aucun autre conflit d’intérêts.


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